• Les vieux hôtels qu’avaient respectés les années
    Sous les coups des maçons tombent de toutes parts.
    Ils gisent sur le sol, & leurs débris épars
    Ont l’aspect douloureux des choses ruinées.

    Comme leurs habitants ils ont leurs destinées ;
    Leurs murs, que décoraient les chefs-d’œuvre des arts,
    Près de l’affiche énorme étalent aux regards
    Le sillon...

  • Je porte en moi l’âme du Monde,
    L’âme du magnifique & vivant Univers,
    Ame mobile, âme féconde
    Où des Printemps hardis chassent les durs Hivers !

    ...

  • Son nom ?… — Tu veux savoir s’il fut illustre ou non ?
    Eh bien ! je ne sais pas. Que peut te faire un nom ?
    Personne sur son front n’inscrit le nom qu’il porte.
    C’était un homme, avec un nom ; mais que t’importe ?
    — Sa race ? — Laissons là, crois-moi, tous ses aïeux.
    L’âme de bien des morts tressaillait dans ses yeux,
    Mais la sienne, à coup sûr, l’obsédait...

  • Ami, tu verras à Venise,
    Dans la cour du palais ducal,
    Ciselés d’une main exquise,
    Deux puits revêtus de métal.

    C’est là que, sveltes, court-vêtues,
    Tout le jour les porteuses d’eau,
    En découvrant leurs jambes nues,
    Plongent & retirent leur seau.

    Au balcon de la haute loge,
    Malade & dévoré d’ennuis,
    Un pâle enfant, le fils...

  • Quand le canot partit, en laissant un frisson
    Aux feuillages du bord qui pendaient sur l’eau claire,
    Elle chantait un air indolent de chanson,
    Et nos voix répétaient le refrain populaire.

    Elle semblait, dans son costume rouge & noir,
    Vêtue étrangement & mise en canotière,
    Une baigneuse au corps lassé qui vient s’asseoir
    Sur le bateau tremblant...

  • Dans les siècles de foi, surtout dans les derniers,
    La grand’ danse macabre était fréquemment peinte
    Au vélin des missels comme aux murs des charniers.

    Je crois que cette image édifiante & sainte
    Mettait un peu d’espoir au fond du désespoir,
    Et que les pauvres gens la regardaient sans crainte.

    Ce n’est pas que la mort leur fût douce à prévoir ;
    ...

  • Les Mongols sont entrés dans les marches dalmates.
    L’air est plein d’un parfum chaleureux d’aromates
    A cause des forêts dont on a vu, trois jours,
    Les arbres résineux fumer sous les cieux lourds ;
    Et la plaine est en feu, vignes, blés & sésames,

    Car les diables mogols aiment les grandes flammes.
    Entre l’aïeul assis dans les cendres du toit
    Et les...

  • Toi qui devrais bondir sur la mer, ô frégate !
    À travers la mitraille & les flots irrités,
    Quel triste sort te rive aux pierres des cités,
    Et te pend une enseigne au front, comme un stigmate ?

    Morne, ainsi qu’un oiseau retenu par la patte,
    Tu regrettes l’azur & les immensités.
    Le bourgeois se prélasse en tes flancs attristés,
    Et ta quille a...

  • L’impérissable orgueil de mon cœur vient de celle
    Qui daigna sur mon cœur poser son pied divin
    Très-fort & très-longtemps, afin qu’il se souvînt :
    — Depuis, je n’ai connu la douleur que par elle.

    Car j’ai souffert des maux qu’elle n’espérait pas.
    Fier du sillon saignant qu’elle ouvrit dans mon être
    Et qui des Dieux jaloux me fera reconnaître :
    — O...

  • La lisière du bois suit le petit chemin
    D’ocre jaune, où tout pli rit d’une graminée.
    La pente, pleine d’air, est comme illuminée
    D’un lever d’ailes d’or, de soufre & de carmin.

    Vrilles des liserons glissant leur verte main,
    Éphémères d’un soir ou d’une matinée ;
    Toute la flore exquise, humble, indéterminée
    De l’herbe, amours d’hier, semences de...