Léon Dierx

  • J'ai vu passer, l'autre matin,
    Un jeune Dieu dans la prairie ;
    Sous un costume de féerie
    Il sautillait comme un lutin.

    Tout perlé d'or et d'émeraude,
    Sans arc, sans flèche et sans carquois,
    En chantonnant des vers narquois,
    Il s'en allait comme en maraude...

  • ... Et Lazare à la voix de Jésus s'éveilla
    Livide, il se dressa d'un bond dans les ténèbres ;
    Il sortit, trébuchant dans ses liens funèbres ;
    Puis, tout droit devant lui, grave et seul, s'en alla.

    Seul et grave, il marcha depuis lors dans la ville,
    Comme y...

  • Nul rayon, ce matin, n'a pénétré la brume,
    Et le lâche soleil est monté sans rien voir.
    Aujourd'hui dans mes yeux nul désir ne s'allume ;
    Songe au présent, mon âme, et cesse de vouloir.

    Le vieil astre s'éteint comme un bloc sur l'enclume,
    Et rien n'a rejailli sur...

  • Rythme des robes fascinantes,
    Qui vont traînantes,
    Balayant les parfums au vent,
    Ou qu'au-dessus des jupes blanches
    Un pas savant
    Balance et gonfle autour des hanches !

    Arbres bercés d'un souffle frais
    Dans les forêts,
    Où, ruisselant des palmes...

  • J'ai détourné mes yeux de l'homme et de la vie,
    Et mon âme a rôdé sous l'herbe des tombeaux.
    J'ai détrompé mon coeur de toute humaine envie,
    Et je l'ai dispersé dans les bois par lambeaux.

    J'ai voulu vivre sourd aux voix des multitudes,
    Comme un aïeul couvert de...

  • ... Soleil du jardin chaste ! Ève aux longs cheveux d'or !
    Toi qui fus le péché, toi qui feras la gloire !
    Toi, l'éternel soupir que nous poussons encor !
    Ineffable calice où la douleur vient boire !

    Ô Femme ! qui, sachant porter un ciel en toi,
    À celui qui...

  • Beaux yeux, charmeurs savants, flambeaux de notre vie,
    Parfum, grâce, front pur, bouche toujours ravie,
    Ô vous, tout ce qu'on aime ! ô vous, tout ce qui part !
    Non, rien ne meurt de vous pour l'âme inassouvie
    Quand vous laissez la nuit refermer son rempart
    Sur l'idéal...

  • A Émile Bergerat.

    Flots qui portiez la vie au seuil obscur des temps,
    Qui la roulez toujours en embryons flottants
    Dans le flux et reflux du primitif servage,
    Eternels escadrons cabrés sur un rivage
    Ou contre un roc, l'écume au poitrail, flots des mers,
    Que...

  • Je suis tel qu'un ponton sans vergues et sans mâts,
    Aventureux débris des trombes tropicales,
    Et qui flotte, roulant des lingots dans ses cales,
    Sur une mer sans borne et sous de froids climats.

    Les vents sifflaient jadis dans ses raille poulies.
    Vaisseau désemparé...

  • Comme à travers un triple et magique bandeau,
    - Ô nuit ! ô solitude ! ô silence ! - mon âme
    A travers vous, ce soir, près du foyer sans flamme,
    Regarde par delà les portes du tombeau.

    Ce soir, plein de l'horreur d'un vaincu qu'on assaille,
    Je sens les morts chéris...