Le Parnasse contemporain/1869/La Frégate

Toi qui devrais bondir sur la mer, ô frégate !
À travers la mitraille & les flots irrités,
Quel triste sort te rive aux pierres des cités,
Et te pend une enseigne au front, comme un stigmate ?

Morne, ainsi qu’un oiseau retenu par la patte,
Tu regrettes l’azur & les immensités.
Le bourgeois se prélasse en tes flancs attristés,
Et ta quille a des airs navrés de cul-de-jatte.

Le batelet t’insulte & le lourd remorqueur,
En rampant devant toi, te lance un cri moqueur.
Oh ! qui pourra sonder ton destin sans exemple ?

Ta cale désormais sert aux ablutions.
Ta proue est enchaînée & ta hune contemple
La Caisse des dépôts & consignations !

Collection: 
1971

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  • Toi qui devrais bondir sur la mer, ô frégate !
    À travers la mitraille & les flots irrités,
    Quel triste sort te rive aux pierres des cités,
    Et te pend une enseigne au front, comme un stigmate ?

    Morne, ainsi qu’un oiseau retenu par la patte,
    Tu regrettes l’azur...

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