Théophile Gautier

  • Un vit, sur la place Vendôme,
    Gamahuché par l’aquilon,
    Décalotte son large dôme,
    Ayant pour gland Napoléon.
    Veuve de son fouteur, la Gloire,
    La nuit, dans son con souverain,
    Enfonce – tirage illusoire ! –
    Ce grand godemichet d'airain…

  •  

    Comme autrefois pâle et serein
    Je vis, du moins on peut le croire,
    Car sous ma redingote noire
    J’ai boutonné mon noir chagrin.
    Sans qu’un mot de mes lèvres sorte,
    Ma peine en moi pleure tout bas ;
    Et toujours sonne comme un glas
    Cette phrase :...

  • Dans le bain, sur les dalles,
    À mon pied négligent
    J’aime à voir des sandales
    De cuir jaune et d’argent.
    En quittant ma baignoire,
    Il me plaît qu’une noire
    Fasse mordre à l’ivoire
    Mes cheveux, manteau brun,
    Et, versant l’eau de rose
    Sur mon...

  • Souvent nous fuyons en petit coupé,
    Car chez moi toujours la sonnette grince.
    Et les visiteurs qu’en vain l’on évince
    Chassent le plaisir de mon canapé.

    Couple par l’amour et l’hiver groupé,
    Nous nous serrons bien, car la bise pince ;
    Sur mon bras se cambre...

  •                 KADIDJA.
    Au firmament sans étoile,
    La lune éteint ses rayons ;
    La nuit nous prête son voile.
            Fuyons ! fuyons !

                     AHMED.
    Ne crains-tu pas la colère
    De tes frères insolents,
    Le...

  • Un brouillard épais noie
    L’horizon où tournoie
    Un nuage blafard,
    Et le soleil s’efface,
    Pâle comme la face
    D’une vieille sans fard ;

    La haute cheminée,
    Sombre et chaperonnée
    D’un tourbillon fumeux,
    Comme un mât de navire,
    De sa pointe...

  • Lorsque la solitude et la mélancolie
    De leurs vagues tourments torturent ma langueur
    Et me font souvenir de tout ce qui m’oublie
    En murmurant tout bas : « Amour, gloire et bonheur, »
    Comme avec un ami qui comprend votre peine
    Et dont le cœur ému bat en vous...

  • Sur l’eau pure du lac, dans la lueur du soir,
    –––––Le reflet d’un temple s’allonge.
    La fille de Corinthe y vient, et va s’asseoir
    ...

  • À la morne chartreuse, entre des murs de pierre,
    En place de jardin l’on voit un cimetière,
    Un cimetière nu comme un sillon fauché,
    Sans croix, sans monument, sans tertre qui se hausse :
    L’oubli couvre le nom, l’herbe couvre la fosse ;
    La mère ignorerait où son...

  • Les marronniers de la terrasse
    Vont bientôt fleurir, à Saint-Jean,
    La villa d’où la vue embrasse
    Tant de monts bleus coiffés d’argent.

    La feuille, hier encor pliée
    Dans son étroit corset d’hiver,
    Met sur la branche déliée
    Les premières touches de vert...