Théophile Gautier

  • Dans la forêt chauve et rouillée
    Il ne reste plus au rameau
    Qu’une pauvre feuille oubliée,
    Rien qu’une feuille et qu’un oiseau.

    Il ne reste plus dans mon âme
    Qu’un seul amour pour y chanter,
    Mais le vent d’automne qui brame
    Ne permet pas de l’écouter...

  • Voilà longtemps que je vous aime :
    — L’aveu remonte à dix-huit ans ! —
    Vous êtes rose, je suis blême ;
    J’ai les hivers, vous les printemps.

    Des lilas blancs de cimetière
    Près de mes tempes ont fleuri ;
    J’aurai bientôt la touffe entière
    Pour ombrager...

  • Avant d’abandonner à tout jamais ce globe,
    Pour aller voir là-haut ce que Dieu nous dérobe,
    Et de faire à mon tour au pays inconnu
    Ce voyage dont nul n’est encor revenu,
    J’ai voulu visiter les cités et les hommes,
    Et connaître l’aspect de ce monde où nous sommes....

  •                 Sur la bruyère arrosée
                              De rosée ;
                    Sur le buisson d’églantier ;
                    Sur les ombreuses futaies ;
                              Sur les haies
                    Croissant au bord du sentier ;

    ...
  •  

    Parfois, une déesse pose
    (Hébert du moins s’en est vanté),
    Entr’ouvrant son voile argenté
    Dans un reflet de apothéose.

    Votre portrait prouve la chose
    Par son air de divinité ;
    César y mit la majesté,
    Et Vénus le sourire rose.

    Des perles...

  • Une pitié me prend quand à part moi je songe
    À cette ambition terrible qui nous ronge
    De faire parmi tous reluire notre nom,
    De ne voir s’élever par-dessus nous personne,
    D’avoir vivant encor le nimbe et la couronne,
    D’être salué grand comme Gœthe ou Byron.

    ...

  • Je vous aime, ô jeune fille !
    Aussi, lorsque je vous vois,
    Mon regard de bonheur brille,
    Aussi tout mon sang pétille
    Lorsque j’entends votre voix.

    Douce à mon amour timide,
    Vous en accueillez l’aveu,
    Mais sans qu’un rayon humide
    Argente votre œil...

  • Je hais plus que la mort cette débauche prude
    Qui n’ose sortir que de nuit,
    Et retourne la tête avec inquiétude
    ...

  • À la Piazetta, sous l’ombre des portiques,
    Vanutelli nous montre, en leur costume ancien,
    Dames et jeunes gens à l’air patricien
    Causant entre eux d’amour ou d’affaires publiques.

    Hors du cadre, évoqués par des charmes magiques,
    On croit voir des portraits de...

  • J’aime d’un fol amour les monts fiers et sublimes !
    Les plantes n’osent pas poser leurs pieds frileux
    Sur le linceul d’argent qui recouvre leurs cimes ;
    Le soc s’émousserait à leurs pics anguleux ;

    Ni vigne aux bras lascifs, ni blés dorés, ni seigles ;
    Rien qui...