Théophile Gautier

  • À Paulowski tout est prestige :
    Jardin, musique ; mais le soir
    Le rhume à son aise y voltige,
    Prenant son aile pour mouchoir.

    La fraîcheur tombant de la nue
    Met une perle à tous les nez ;
    Gluck tousse, Mozart éternue
    Dans les cuivres enchifrenés.

    ...
  • Cette femme du monde,
              Pâle et blonde,
    Qu’on voit d’un pas pressé,
              L’œil baissé,
    Filer sous les grands arbres
              Loin des marbres,
    Héros, Amours, Bergers,
              Trop légers,
    S’en va vers un coin sombre...

  • Caprice d’un pinceau fantasque
    Et d’un impérial loisir,
    Votre fellah, sphinx qui se masque,
    Propose une énigme au désir.

    C’est une mode bien austère
    Que ce masque et cet habit long ;
    Elle intrigue par son mystère
    Tous les Œdipes du Salon.

    L’...

  • Je suis jeune ; la pourpre en mes veines abonde ;
    Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu,
    Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde
    Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu.

    Aux vents capricieux qui soufflent de Bohême,
    Sans les compter,...

  • Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
    Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
    J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
    Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
    Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
    Au bord des bois...

  •                     I

    Le nez rouge, la face blême,
    Sur un pupitre de glaçons,
    L’Hiver exécute son thème
    Dans le quatuor des saisons.

    Il chante d’une voix peu sûre
    Des airs vieillots et chevrotants ;
    Son pied glacé bat la mesure
    Et la semelle en...

  • Chez un sculpteur, moulée en plâtre,
    J’ai vu l’autre jour une main
    D’Aspasie ou de Cléopâtre,
    Pur fragment d’un chef-d’œuvre humain.

    Sous le baiser neigeux saisie
    Comme un lis par l’aube argenté,
    Comme une blanche poésie
    S’épanouissait sa beauté ;...

  • Pour vous, au jour de l’an, je rêvais quelque étrenne,
    Moi, le rêveur obscur, admis à votre cour ;
    Un respect prosterné mêlé d’un humble amour,
    C’est un mince joyau dans l’écrin d’une reine.

    Que peut le ver rampant pour l’étoile sereine,
    Le caillou pour la perle,...

  • Posé comme un défi tout près d’une montagne,
    L’on aperçoit de loin dans la morne campagne
    Le sombre Escurial, à trois cents pieds du sol,
    Soulevant sur le coin de son épaule énorme,
    Éléphant monstrueux, la coupole difforme,
    Débauche de granit du Tibère espagnol....

  •  

    Un bel esclave à peau d’ébène,
    Mohammed ou bien Abdallah,
    Pour mon musée, heureuse aubaine,
    Vient du pays de : La Fellah.

    Comme elle, il habitait le Caire ;
    Tout en fumant son latakieh,
    Il la voyait passer naguère
    Sur la place de l’Esbékieh....