KADIDJA.
Au firmament sans étoile,
La lune éteint ses rayons ;
La nuit nous prête son voile.
Fuyons ! fuyons !
AHMED.
Ne crains-tu pas la colère
De tes frères insolents,
Le désespoir de ton père,
De ton père aux sourcils blancs ?
KADIDJA.
Que m’importent mépris, blâme,
Dangers, malédictions !
C’est dans toi que vit mon âme.
Fuyons ! fuyons !
AHMED.
Le cœur me manque ; je tremble,
Et, dans mon sein traversé,
De leur kandjar il me semble
Sentir le contact glacé !
KADIDJA.
Née au désert, ma cavale
Sur les blés, dans les sillons,
Volerait, des vents rivale.
Fuyons ! fuyons !
AHMED.
Au désert infranchissable,
Sans parasol pour jeter
Un peu d’ombre sur le sable,
Sans tente pour m’abriter...
KADIDJA.
Mes cils te feront de l’ombre ;
Et, la nuit, nous dormirons
Sous mes cheveux, tente sombre.
Fuyons ! fuyons !
AHMED.
Si le mirage illusoire
Nous cachait le vrai chemin,
Sans vivres, sans eau pour boire,
Tous deux nous mourrions demain.
KADIDJA.
Sous le bonheur mon cœur ploie ;
Si l’eau manque aux stations,
Bois les larmes de ma joie.
Fuyons ! fuyons !