Émile Verhaeren

  • Au long de promenoirs qui s'ouvrent sur la nuit
    - Balcons de fleurs, rampes de flammes -
    Des femmes en deuil de leur âme
    Entrecroisent leurs pas sans bruit.

    Le travail de la ville et s'épuise et s'endort :
    Une atmosphère éclatante et chimique
    Etend au loin ses...

  • Mon coeur, Je l'ai rempli du beau tumulte humain :
    Tout ce qui fut vivant et haletant sur terre,
    Folle audace, volonté sourde, ardeur austère
    Et la révolte d'hier et l'ordre de demain
    N'ont point pour les juger refroidi ma pensée.
    Sombres charbons, j'ai fait de vous un...

  • Un soir plein de pourpres et de fleuves vermeils
    Pourrit, par au-delà des plaines diminuées,
    Et fortement, avec les poings de ses nuées,
    Sur l'horizon verdâtre, écrase des soleils.
    Saison massive! Et comme Octobre, avec paresse
    Et nonchaloir, se gonfle et meurt dans ce...

  • Où vont les vieux paysans noirs
    Par les chemins en or des soirs ?

    A grands coups d'ailes affolées,
    En leurs toujours folles volées,
    Les moulins fous fauchent le vent.

    Le cormoran des temps d'automne
    jette au ciel triste et monotone
    Son cri sombre...

  • Viens jusqu'à notre seuil répandre
    Ta blanche cendre
    Ô neige pacifique et lentement tombée :
    Le tilleul du jardin tient ses branches courbées
    Et plus ne fuse au ciel la légère calandre.

    Ô neige,
    Qui réchauffes et qui protèges
    Le blé qui lève à peine...

  • Lorsque s'épand sur notre seuil la neige fine
    Au grain diamanté,
    J'entends tes pas venir rôder et s'arrêter
    Dans la chambre voisine.

    Tu retires le clair et fragile miroir
    Du bord de la fenêtre,
    Et ton trousseau de clefs balle au long du tiroir
    De l'...

  • Près du fleuve roulant vers l'horizon ses ors
    Et ses pourpres et ses vagues entre-frappées,
    S'ouvre et rayonne, ainsi qu'un grand faisceau d'épées,
    L'abside ardente avec ses sveltes contreforts.

    La nef allume auprès ses merveilleux décors :
    Ses murailles de fer...

  • Je noie en tes deux yeux mon âme tout entière
    Et l'élan fou de cette âme éperdue,
    Pour que, plongée en leur douceur et leur prière,
    Plus claire et mieux trempée, elle me soit rendue.

    S'unir pour épurer son être
    Comme deux vitraux d'or en une même abside
    ...

  • S'il était vrai
    Qu'une fleur des jardins ou qu'un arbre des prés
    Pût conserver quelque mémoire
    Des amants d'autrefois qui les ont admirés
    Dans leur fraîcheur ou dans leur gloire
    Notre amour s'en viendrait
    En cette heure du long regret
    Confier à la rose...

  • Pauvres vieilles cités par les plaines perdues,
    Dites de quel grand plan de gloire,
    Vers la vie humble et dérisoire,
    Toutes, vous voilà descendues.

    Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
    Ni ce que disent aux nuées
    Tant de pierres destituées...