Émile Verhaeren

  • C'était en juin, dans le jardin,
    C'était notre heure et notre jour ;
    Et nos yeux regardaient, avec un tel amour,
    Les choses,
    Qu'il nous semblait que doucement s'ouvraient
    Et nous voyaient et nous aimaient
    Les roses.

    Le ciel était plus pur qu'il ne le fut...

  • Asseyons-nous tous deux près du chemin,
    Sur le vieux banc rongé de moisissures,
    Et que je laisse, entre tes deux mains sûres,
    Longtemps s'abandonner ma main.

    Avec ma main qui longtemps s'abandonne
    A la douceur de se sentir sur tes genoux,
    Mon coeur aussi, mon...

  • Je suis le fils de cette race
    Dont les cerveaux plus que les dents
    Sont solides et sont ardents
    Et sont voraces.

    Je suis le fils de cette race
    Dont les desseins ont prévalu
    Dans les luttes profondes
    De monde à monde,
    Je suis le fils de cette race...

  • Noires syrinx d'ombre et de tôle,
    Les inégales cheminées,
    Sur les villes échelonnées,
    Au long des mers jusques au pôle,
    Grondent aux bises déchaînées,
    Durant l'automne.

    Assis en rond autour du feu,
    Les hommes las et miséreux
    Souffrent et geignent...

  • Là-bas,
    Parmi les Don, et les Dnieper, et les Volga,
    Où la bise éternelle, à rude et sombre haleine,
    Durcit la plaine ;
    Et puis, là-bas encor,
    Où les glaçons monumentaux des Nords
    Bloquent, de leurs parois hiératiques,
    Les bords
    Du fiord scandinave et du...

  • C'est bien mon deuil, le tien, ô l'automne dernière !
    Râles que roule, au vent du nord, la sapinière,
    Feuillaison d'or à terre et feuillaison de sang,
    Sur des mousses d'orée ou des mares d'étang,
    Pleurs des arbres, mes pleurs, mes pauvres pleurs de sang.

    C'est bien...

  • Oh ! ce bonheur
    Si rare et si frêle parfois
    Qu'il nous fait peur

    Nous avons beau taire nos voix
    Et nous faire comme une tente,
    Avec toute ta chevelure,
    Pour nous créer un abri sûr,
    Souvent l'angoisse en nos âmes fermente.

    Mais notre amour...

  • Le monde est trépidant de trains et de navires.

    De l'Est à l'Ouest, du Sud au Nord,
    Stridents et violents,
    Ils vont et fuient ;
    Et leurs signaux et leurs sifflets déchirent
    L'aube, lejour, le soir, la nuit ;
    Et leur fumée énorme et transversale
    Barre...

  • O race humaine aux destins d'or vouée,
    As-tu senti de quel travail formidable et battant,
    Soudainement, depuis cent ans,
    Ta force immense est secouée ?

    L'acharnement à mieux chercher, à mieux savoir,
    Fouille comme à nouveau l'ample forêt des êtres,
    Et malgré...

  • Ô le calme jardin d'été où rien ne bouge !
    Sinon là-bas, vers le milieu
    De l'étang clair et radieux,
    Pareils à des langues de feu,
    Des poissons rouges.

    Ce sont nos souvenirs jouant en nos pensées
    Calmes et apaisées
    Et lucides - comme cette eau
    ...