Émile Verhaeren

  • Je vis l'Ange gardienne en tel jardin s'asseoir
    Sous des nimbes de fleurs irradiantes
    Et des vignes comme en voussoir ;
    Auprès d'elle montaient des héliantes.

    Ses doigts, dont les bagues humbles et frêles
    Entouraient la minceur d'un cercle de corail,
    ...

  • Je veux mener tes yeux en lent pèlerinage
    Vers ces loins de souffrance, hélas ! où depuis quand,
    Depuis quels jours d'antan, mon coeur fait hivernage !

    C'est mon pays d'immensément,
    Où ne croît rien que du néant,
    Battu de pluie et de grand vent.

    C'est...

  • Et c'est au long de ces pays de sépulture,
    En ces marais, qui sont bourbeux depuis mille ans,
    Que j'amarre, ce soir, mon désir d'aventure,
    Comme un brusque voilier fragile et violent.

    J'ai délaissé, là-bas, les quais lointains,
    D'où s'exaltait et naviguait,...

  • Si nos coeurs ont brûlé en des jours exaltants
    D'une amour claire autant que haute,
    L'âge aujourd'hui nous fait lâches et indulgents
    Et paisibles devant nos fautes.

    Tu ne nous grandis plus, ô jeune volonté,
    Par ton ardeur non asservie,
    Et c'est de calme...

  • Comme des tentes pour les blés
    Les grandes meules fraternelles
    Se rassemblent l'hiver sur les champs isolés
    Et l'autan noir rôde autour d'elles

    Les solides faucheurs du bourg
    Les ont, sous la rude pesée
    De leurs fermes genoux et de leurs coudes lourds,...

  • Et celui-ci puissant, compact, pâle et vermeil,
    Remue, en ses mains d'eau, du gel et du soleil ;
    Et celui-là étale, entre ses rives brunes,
    Un jardin sombre et clair pour les jeux de la lune ;

    Et cet autre se jette à travers le désert,
    Pour suspendre ses flots aux...

  • L'entendez-vous, l'entendez-vous
    Le menu flot sur les cailloux ?
    Il passe et court et glisse
    Et doucement dédie aux branches,
    Qui sur son cours se penchent,
    Sa chanson lisse.

    Là-bas,
    Le petit bois de cornouillers
    Où l'on disait que Mélusine...

  • En mai, les grands vergers de la Flandre féconde
    Sont des morceaux de paradis qui se souviennent
    D'avoir fleuri si blancs, aux premiers temps du monde.

    Les yeux qui voient croient voir une aile aérienne
    Parmi les lointains purs doucement remuée,
    Les éventer du...

  • Les guirlandes du vent joli
    Tournent, gaîment, autour des Mâts ;
    Au long du quai dorment, par tas,
    Les avirons clairs et polis.

    Et les cloches sonnent aux tours d'Ostende.

    Aux carrefours, aux fenêtres, sur les trottoirs,
    Ceux des dunes, des champs,...

  • Après avoir lavé les puissants mufles roux
    De ses vaches, curé l'égout et la litière,
    Troussé son jupon lâche à hauteur des genoux,
    Ouvert, au jour levant, une porte à chatière,

    Kato, la grasse enfant, la pataude, s'assied,
    Un grand mouchoir usé lui recouvrant la...