Émile Verhaeren

  • La misère séchant ses loques sur leur dos,
    Aux jours d'automne, un tas de gueux, sortis des bouges,
    Rôdaient dans les brouillards et les prés au repos,
    Que barraient sur fond gris des rangs de hêtres rouges.

    Dans les plaines, où plus ne s'entendait un chant,
    Où...

  • Le jour
    Ils se croisaient dans leur étable et dans leur cour,
    Leurs durs regards obstinément fixés à terre ;
    Et tous les deux, ils s'acharnaient à soigner mieux,
    Elle, ses porcs, et lui, ses boeufs,
    Depuis qu'ils se boudaient, rogues et solitaires.

    Ils s'...

  • C'était un doux pays illuminé de plaines
    Où circulaient de longs troupeaux
    Dont on voyait les laines
    Blanchir les prés et se mirer dans l'eau ;
    C'étaient des champs de fleurs à l'infini :
    Un fleuve y sinuait de chaumière en chaumière ;
    Son cours faisait, au loin...

  • Les complaintes qu'on va chantant par la grand'route
    Avec leurs vieux refrains de banal désespoir,
    Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute,
    Sont plus tristes encor, les dimanches, le soir,
    A l'heure où vont mourir les tons et les lumières.
    Le village, s'endort...

  • Pour que rien de nous deux n'échappe à notre étreinte,
    Si profonde qu'elle en est sainte
    Et qu'à travers le corps même, l'amour soit clair ;
    Nous descendons ensemble au jardin de la chair.

    Tes seins sont là ainsi que des offrandes,
    Et tes deux mains me sont tendues...

  • En ces villes d'ombre et d'ébène
    D'où s'élèvent des feux prodigieux ;
    En ces villes, où se démènent,
    Avec leurs chants, leurs cris et leurs blasphèmes,
    A grande houle, les foules ;
    En ces villes soudain terrifiées
    De révolte sanglante et de nocturne effroi,...

  • Sous le manteau des toits s'étalaient les greniers
    Larges, profonds, avec de géantes lignées
    De solives en croix, de poutres, de sommiers,
    D'où pendaient à ses fils un peuple d'araignées.

    Les récoltes en tas s'y trouvaient alignées :
    Les froments par quintaux,...

  • Peut-être
    Lorsque mon dernier jour viendra,
    Peut-être
    Qu'à ma fenêtre,
    Ne fût-ce qu'un instant,
    Un soleil frêle et tremblotant
    Se penchera.

    Mes mains alors, mes pauvres mains décolorées
    Seront quand même encore par sa gloire dorées ;
    Il...

  • Dès le matin, par mes grand'routes coutumières
    Qui traversent champs et vergers,
    Je suis parti clair et léger,
    Le corps enveloppé de vent et de lumière.

    Je vais, je ne sais où. Je vais, je suis heureux ;
    C'est fête et joie en ma poitrine ;
    Que m'importent...

  • Les magasins de la Grand'Place
    Mirent leur deuil et leur passé,
    Et l'or de leur fronton usé,
    Dans les égouts qui les enlacent.

    Un drapeau pend comme un haillon,
    Au pignon rouge de la Banque ;
    L'heure est vieillotte : une dent manque
    Au râtelier du...