• Sources claires ! Et toi, venu des dieux, ô fleuve
    Qui, du Tymbris moussu, verses tes belles eaux !
    Je ferai soupirer, couché dans vos roseaux,
    Ma syrinx à neuf tons enduits de cire neuve :
    Apaisez la cigale et les jeunes oiseaux.

    Vents...

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    Quand, pareilles aux blés mûrs
    Les étoiles toutes blondes
    Ont couvert des cieux obscurs
    Les solitudes profondes,

    La nuit se met en chemin.
    Moissonneuse à la peau brune
    Qui, pour faucille, à sa main
    Tient le croissant de la lune ;

    Par le vaste firmament,
    Elle fauche, à perdre haleine,
    Les épis de diamant
    Qui se...

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    Bathylle, dans la cour où glousse la volaille,
    Sur l'écuelle penché, souffle dans une paille ;
    L'eau savonneuse mousse et bouillonne à grand bruit,
    Et déborde. L'enfant qui s'épuise sans fruit
    Sent venir à sa bouche une âcreté saline.
    Plus heureuse, une bulle à la fin se dessine,
    Et, conduite avec art, s'allonge, se distend
    Et s'arrondit enfin...

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    Le Jour meurt, — et la Nuit met le pied sur sa tombe
    Avec le noir orgueil d’avoir tué le Jour.
    De la patère au sphinx l’épais rideau retombe,
    Et le salon désert dans son vaste pourtour
          A pris des airs de catacombe.

    Et les volets fermés par-dessus le rideau
    Ont fait comme un cercueil à ma sombre pensée…
    Je suis seul comme un mort ; — et...

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    À Henri Ghys.

    Le long des peupliers je marche, le front nu,
    Poitrine au vent, les yeux flagellés par la pluie.
    Je m’avance hagard vers le but inconnu.

    Le printemps a des fleurs dont le parfum m’ennuie,
    L’été promet, l’automne offre ses fruits, d’aspects
    Irritants ; l’hiver blanc, même, est sali de suie.

    Que les corbeaux,...

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    Non, l'art n'est pas un jeu frivole, un vain prestige,
    Mirage qui s'éteint sans laisser de vestige,
    Un rêve de couleurs, de formes et d'accents,
    Qui, muets pour l'esprit, ne s'adressent qu'aux sens.
    Il est plus haut le but où sa grande aile aspire ;
    Car l'âme est son domaine et le cœur son empire.
    Sans captiver l'oreille et les yeux seulement,
    ...

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    Elle était toujours enceinte,
    Et puis elle avait un air…
    Pauvre buveuse d’absinthe !
     
    Elle vivait dans la crainte
    De son ignoble partner :
    Elle était toujours enceinte.
     
    Par les nuits où le ciel suinte,
    Elle couchait en plein air.
    Pauvre buveuse d’absinthe !
     
    Ceux que la débauche éreinte
    La lorgnaient d’un...

  • Toi que déjà nos chants vont chercher dans les cieux,
    Toi que la Grèce en deuil ajoute à tous ses dieux,
    Astre sitôt perdu, dont la trace enflammée
    Ne laisse pas au monde une vaine fumée,
    Byron, daigne inspirer ces funèbres adieux.

    Il est beau de mourir pour une cause sainte,...

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    Hercule pour mourir monte sur son bûcher.

    La terre, — qui déjà ne l’entend plus marcher
    Du pas victorieux qu’elle écoutait dans l’ombre
    Se hâter vers l’aurore à travers la nuit sombre
    Au heurt justicier de son talon errant —
    S’étonne de le voir immobile et plus grand
    Que lorsqu’il étouffait Antée au large buste,...

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    I

    Le chêne aux flancs noueux dans l'herbe est couché mort ;
    Mais du vieux bûcheron c'est le dernier effort ;
    Il pose sa cognée et s'accoude au long manche ;
    Il se courbe, en soufflant, le pied sur une branche ;
    Son morceau de pain noir est gagné pour demain ;
    Et, s'essuyant le front du revers de la main :

    « Triste et rude métier que de porter...