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    Le soldat frappé tombe en poussant de grands cris ;
    On l’emporte ; le baume assainit la blessure,
    Elle se ferme un jour ; il marche, il se rassure,
    Et, par un beau soleil, il croit ses maux guéris.

    Mais, au premier retour d’un ciei humide et gris,
    De l’ancienne douleur il ressent la morsure ;
    Alors la guérison ne lui paraît pas sûre,
    Le...

  • Je dormais dans le flanc massif de la montagne…
    Ses tiédeurs m’enivraient. Auprès de mon sommeil
    Sourdait l’ardent effort des fleurs vers le soleil.
    Nul ne troublait la paix large de la montagne.

    Je dormais. Je semblais un astre dans la nuit,...

  • Dans nos champs nourriciers ou nos champs de bruyères,
    Sous le dôme des bois, aux genêts des clairières,
    On rencontre parfois, saisi d’étonnement,
    De sourcilleux rochers, venus là nuitamment
    Jeter comme des sphinx leurs blocs énigmatiques.
    Ces blocs, que les savants baptisent d’erratiques,
    Que sont-ils ? Des glaciers, par les siècles fondus,
    Les ont-...

  • L’œil injecté de sang, le mufle dans l’eau sale,
    Un bœuf, à moitié mort de soif et de chaleur,
    Penchait sur le trottoir sa tête colossale
    Devant un boucher ivre et sourd à sa douleur.

    À la fin, il tomba pesamment sur les pierres,
    Et, fracassé, vomit dans sa bave trois dents,
    Au milieu des lazzis de hideuses tripières
    Voyant en lui déjà des intestins...

  • Voulez-vous savoir au juste où
    Le destin m'a fait naître ?
    Mes ancêtres dans le Poitou
    Se sont bien fait connaître.
    De moi l'on fait cas,
    Et, foi de bœuf gras,
    Ma famille est sans tache :
    Mon frère était veau,
    Mon père taureau,
    Et ma mère était vache.

    Sur mon volume et sur mon poids,
    C'est en vain que l'on glose ;
    Comme...

  • Nous avons pensé des choses pures
    Côte à côte, le long des chemins,
    Nous nous sommes tenus par les mains
    Sans dire... parmi les fleurs obscures ;

    Nous marchions comme des fiancés
    Seuls, dans la nuit verte des prairies ;
    Nous partagions ce fruit de féeries
    La lune amicale aux insensés

    Et puis, nous sommes morts sur la mousse,...

  •  
    J’ai vu des nobles fils de nos forêts superbes
    Les grands troncs abattus dispersés dans les herbes,
    Et de l’homme en ces lieux j’ai reconnu les pas.
    Renversant de ses mains l’œuvre des mains divines,
    Partout sur son passage il sème et les ruines
             Et l’incendie et le trépas.

    Que de jours ont passé sur ces monts, que d’années
    Pour voiler...

  • Tout est mort ! ― vers d’autres climats
    Les oiseaux vont chercher fortune,
    Et la terre, sous les frimas,
    Est blanche, au loin, comme la lune.

    Le vent, pareil à cent taureaux,
    Mugit au seuil de ma demeure ;
    Le givre a brodé mes carreaux ;
    À mon foyer, la bûche pleure :

    — « Je me souviens !… je me souviens !…
    Au pied des monts… dans le...

  • Je crains la foule qui se presse ;
    Je tremble à ses milliers de voix.
    Une fée a, dès ma jeunesse,
    Conduit mes rêves dans les bois.
    Là, mon cœur, pris de peine amère,
    À l’espérance était rendu,
    Comme un oiselet que sa mère
    Reporte au nid qu’il a perdu.

    Sous nos toits mon âme étouffée,
    Hors de Paris cherchant de l’air,
    À Meudon reçut d...

  • Toi, lasse en ton printemps de n’avoir pas aimé,
    Gamine au doux profil de vierge du Corrège.
    Tu pleures la saison des amandiers en neige
    Et les lilas légers du pâle mois de mai.

    Ô fillette ! Jamais un ami n’a fermé
    Sur toi, petit oiseau, ses deux bras comme un piège ?...
    Viens, viens : je te dirai des mots très doux... que sais-je ?...
    Je te dirai...