• Lorsque la sympathie, en ses palais dorés,
    Berce les cœurs épris entre ses ailes blanches,
    L’amour & l’amitié ployant leurs vertes branches
    Sur eux font incliner leurs beaux fruits diaprés.

    Mais combien, tout d’abord, sont, hélas I enivrés
    Qui s’en vont préférant les pavots aux pervenches,
    L’amour sur ses versants labourés d’avalanches
    A l’amitié...

  • En l’an du Christ quinze cent treize,
    Un jour, la Discorde & le Vent,
    Par la Beauce, tout à leur aise
    Cheminaient, au soleil levant.
    Devisant ensemble ; ils arrivent
    Dans la ville de Chartres ; puis,
    Après vingt cercles qu’ils décrivent,
    Ils prennent la Ruelle-au-Puits
    Qui longe, en étroite spirale,
    Le flanc nord de la cathédrale...

  • A cheval & frisé comme un jeune garçon,
    César Borgia, le prince au visage impassible,
    Sur des hommes vivants, pour tirer à la cible,
    S’avance l’arc en main & la trousse à l’arçon.

    Les malheureux sont là courbés sous le frisson,
    Effarés & fuyant la boucherie horrible.
    Lui, cependant, sourit de voir ces gens qu’il crible
    Tomber sur le pavé d...

  • Dans les bois ténébreux de l’infernal empire
    Cœnis traîne à pas lents le poids de ses douleurs ;
    Elle passe, revient, & jamais un sourire
    De son front abattu n’anime les pâleurs.

    Vivante, elle eut l’amour du roi des eaux marines,
    Puis trahie, elle obtint de son divin amant
    La faveur d’échanger ses grâces féminines
    Contre un sexe moins doux &...

  • A l’époque où le soin de surveiller sa terre
    Fait les loisirs d’Horace au magistrat austère,
    Quand le soleil tardif, en humeur de chômer,
    Délivre son permis de chasse au Sagittaire,
    Avec le droit — de s’enrhumer,

    J’y grimpais quelquefois par la Sente à la chèvre,
    ...

  • Par un bienfait des destinées,
    D'accord avec ma grand’ maman,
    J’ai vécu mes jeunes années
    Sur le pâtis de l’Isle-Adam.

    J’ai poussé dans de l’herbe folle,
    Comme un modeste liseron.
    Je gaminais, après l’école,
    Avec le trèfle & le mouron.

    Quand je partis pour le collége,
    Les moindres brins, mes chers amis,
    Semblaient me plaindre....

  • Descendu de ce monde aux pays ténébreux,
    Dante vit de l’Enfer les royaumes rebelles,
    Puis, au séjour céleste élevé sur les ailes
    De l’âme, il nous en fit le récit merveilleux.

    Astre aux puissants rayons, il découvrit aux yeux
    Des aveugles humains les choses éternelles,
    Et reçut pour le don de ces lumières belles
    Le prix que trop souvent l’on paye aux...

  • Je veux chanter ma ballade à mon tour !
    O Poésie, ô ma mère mourante,
    Comme tes fils t’aimaient d’un grand amour,
    Dans ce Paris, en Tan mil huit cent trente !
    Pour eux les docks, l’autrichien, la rente.
    Les mots de Bourse étaient du pur hébreu ;
    Enfant divin, plus beau que Richelieu,
    Musset chantait ; Hugo tenait la lyre.
    Jeune, superbe, écouté...

  • Quand j’aperçus tes yeux pour la première fois,
    Non, je n’aperçus pas une chose charnelle ;
    Et de toi j’attendis cette paix éternelle
    Qui semble un but sacré que dans l’azur je vois.

    De la beauté d’un jour mon âme fuit les lois,
    Vers le libre zénith montant à grands coups d’aile,
    Et, pour mieux embrasser la forme universelle,
    Suit le rhythme infini...

  • Toi qui vis au dedans d’une chair vulnérable,
    En butte à l’ennemi que tu veux protéger,
    Ô pauvre âme, pourquoi rechercher le danger
    Et te rendre toi-même abjecte & misérable ?

    Ayant avec la vie un bail si peu durable,
    Pourquoi parer un corps qui n’est qu’un étranger ?
    De riches ornements à quoi bon surcharger
    Ta fragile demeure assise sur le sable...