• À Alphonse Daudet.

    Ma vie, où des vols de colombes
    Neigeaient autrefois dans l'azur,
    Est un jardin rempli de tombes
    Avec des hiboux sur son mur.

    Les mornes oiseaux d'heure en heure
    S'éveillent au fond des cyprès,
    Et chacun d'eux ulule et pleure
    Sur mes vaeux devenus regrets.

    Leur cri lugubre et monotone
    Chante les...

  • A Monsieur l'abbé de Chaulieu.

    Cher abbé, souviens-toi qu'Horace
    Veut qu'on mette pendant ces froids
    Largement du vin dans la tasse
    Et dans le foyer force bois.
    Vois-tu nos arbres et nos toits
    Soutenir à peine le poids
    De la neige qui s'y ramasse ?
    Vois-tu nos fleuves, comme en Thrace,
    Si bien arrêtés pour deux mois,
    Que bientôt à la...

  • Non, ce n'est pas l'été, dans le jardin qui brille,
    Où tu t'aimes de vivre, où tu ris, coeur d'enfant !
    Où tu vas demander à quelque jeune fille,
    Son bouquet frais comme elle et que rien ne défend.

    Ce n'est pas aux feux blancs de l'aube qui t'éveille,
    Qui rouvre à ta pensée un lumineux chemin,
    Quand tu crois, aux parfums retrouvés de la veille,
    Saisir...

  • Pour fêter le retour normal de l'âpre hiver,
    J'ai gravi, dès le jour, ma montagne rouillée.
    Le vent du nord-ouest a souffle tout hier.

    J'en voulais savourer la rafale mouillée,
    Jeux de pluie aux clartés du ravin partiel,
    Sur le treillis brumeux des branches dépouillées.

    La lumière est instable aux décors irréels
    Des vallons d'ombre...

  • L'allée est droite et longue, et sur le ciel d'hiver
    Se dressent hardiment les grands arbres de fer,
    Vieux ormes dépouillés dont le sommet se touche.
    Tout au bout, le soleil, large et rouge, se couche.
    À l'horizon il va plonger dans un moment.
    Pas un oiseau. Parfois un léger craquement
    Dans les taillis déserts de la forêt muette ;
    Et là-bas, cheminant, la...

  • L'hiver a cessé : la lumière est tiède
    Et danse, du sol au firmament clair.
    Il faut que le coeur le plus triste cède
    A l'immense joie éparse dans l'air.

    Même ce Paris maussade et malade
    Semble faire accueil aux jeunes soleils,
    Et comme pour une immense accolade
    Tend les mille bras de ses toits vermeils.

    J'ai depuis un an le printemps dans l'...

  • Vallée au nord, onduleuse prairie,
    Déserts charmants, mon coeur, formé pour vous,
    Toujours vous cherche en sa mélancolie.
    A ton aspect, solitude chérie,
    Je ne sais quoi de profond et de doux
    Vient s'emparer de mon âme attendrie.
    Si l'on savait le calme qu'un ruisseau
    En tous mes sens porte avec son murmure,
    Ce calme heureux que j'ai, sur la...

  • Nul rayon, ce matin, n'a pénétré la brume,
    Et le lâche soleil est monté sans rien voir.
    Aujourd'hui dans mes yeux nul désir ne s'allume ;
    Songe au présent, mon âme, et cesse de vouloir.

    Le vieil astre s'éteint comme un bloc sur l'enclume,
    Et rien n'a rejailli sur les rideaux du soir.
    Je sombre tout entier dans ma propre amertume ;
    Songe au passé, mon...

  • La neige - le pays en est tout recouvert -
    Déroule, mer sans fin, sa nappe froide et vierge,
    Et, du fond des remous, à l'horizon désert,
    Par des vibrations d'azur tendre et d'or vert,
    Dans l'éblouissement, la pleine lune émerge.

    A l'Occident s'endort le radieux soleil,
    Dans l'espace allumant les derniers feux qu'il darde
    A travers les vapeurs de son...

  • Arqué haut sur les monts et d'un bleu sans nuages
    Qu'un triomphant soleil embrase éblouissant,
    Le ciel, par la vallée où la chaleur descend,
    Anime, en plein hiver, la mort des paysages.

    Il semble qu'ici, là, la mouche revoltige,
    Tourne dans la poussière ardente du rayon ;
    On va voir le martin-pêcheur, le papillon,
    L'un raser le ruisseau, l'autre...