• Ah ! Si vous saviez comme on pleure
    De vivre seul et sans foyers,
    Quelquefois devant ma demeure
    Vous passeriez.

    Si vous saviez ce que fait naître
    Dans l'âme triste un pur regard,
    Vous regarderiez ma fenêtre
    Comme au hasard.

    Si vous saviez quel baume apporte
    Au coeur la présence d'un coeur,
    Vous vous assoiriez sous ma porte
    ...

  • Toi qui fleuris ce que tu touches,
    Qui, dans les bois, aux vieilles souches
    Rends la vigueur,
    Le sourire à toutes les bouches,
    La vie au coeur ;

    Qui changes la boue en prairies,
    Sèmes d'or et de pierreries
    Tous les haillons,
    Et jusqu'au seuil des boucheries
    Mets des rayons !

    Ô printemps, alors que tout aime,
    Que s'embellit la...

  • Ah ! ne me soyez plus, orgueil, d'aucun secours.
    Cet hiver épuisant me laisse trop sincère
    et j'ordonne avant tout une force sévère
    à mon coeur fatigué d'inutiles détours.

    Il ne me reste plus qu'un misérable amour
    et le secret de l'Ange égaré sur la terre ;
    mais écoute ! je sais une route légère,
    j'imite Dieu avec ce rire de velours...

    ...

  • Au plus haut point de la montagne la plus pure,
    Au plus beau jour de nos époques favorites
    Où le désert se fleurissait de nouveaux rites,
    A l'heure d'or la plus sévère à la nature ;

    Blanche et les flancs pressés d'une longue ceinture,
    Debout dans l'idéal concert de ses mérites,
    La plus sainte et la plus charmante des ermites
    Lève au ciel ses bras...

  • Ah ! ne ralentis pas tes flammes ;
    Réchauffe mon coeur engourdi,
    Volupté, torture des âmes !
    Diva ! supplicem exaudi !

    Déesse dans l'air répandue,
    Flamme dans notre souterrain !
    Exauce une âme morfondue,
    Qui te consacre un chant d'airain.

    Volupté, sois toujours ma reine !
    Prends le masque d'une sirène
    Faite de chair et de...

  • Dieu ! créez à sa vie un objet plein de charmes,
    Une voix qui réponde aux secrets de sa voix !
    Donnez-lui du bonheur, Dieu ! donnez-lui des larmes ;
    Du bonheur de le voir j'ai pleuré tant de fois !

    J'ai pleuré, mais ma voix se tait devant la sienne ;
    Mais tout ce qu'il m'apprend, lui seul l'ignorera ;
    Il ne dira jamais : "Soyons heureux, sois mienne !"
    ...

  • Me voici devant Vous, contrit comme il le faut.
    Je sais tout le malheur d'avoir perdu la voie
    Et je n'ai plus d'espoir, et je n'ai plus de joie
    Qu'en une en qui je crois chastement, et qui vaut
    A mes yeux mieux que tout, et l'espoir et la joie.

    Elle est bonne, elle me connaît depuis des ans.
    Nous eûmes des jours noirs, amers, jaloux, coupables,
    Mais...

  • Arrête ! Ecoute-moi, voyageur. Si tes pas
    Te portent vers Cypsèle et les rives de l'Hèbre,
    Cherche le vieil Hyllos et dis-lui qu'il célèbre
    Un long deuil pour le fils qu'il ne reverra pas.

    Ma chair assassinée a servi de repas
    Aux loups. Le reste gît en ce hallier funèbre.
    Et l'Ombre errante aux bords que l'Érèbe enténèbre
    S'indigne et pleure. Nul n'a...

  • Berger du monde, clos les paupières funèbres
    Des deux chiens d'Yama qui hantent les ténèbres.

    Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
    Ouvre sa tombe heureuse et qu'il s'endorme en elle,
    O Terre du repos, douce aux hommes pieux !
    Revêts-le de silence, ô Terre maternelle,
    Et mets le long baiser de l'ombre sur ses yeux.

    Que le Berger divin...

  • Songe horrible ! - la foule innombrable des âmes
    M'entourait. Immobile et muet, devant nous,
    Beau comme un dieu, mais triste et pliant les genoux,
    L'ancêtre restait loin des hommes et des femmes.

    Et le rayonnement de sa mâle beauté,
    Sa force, son orgueil, son remords, tout son être,
    Forme du premier rêve où s'admira son maître,
    S'illuminait du sceau de...