• Va, chanson, à titre-d'aile
    Au-devant d'elle, et dis-lui
    Bien que dans mon coeur fidèle
    Un rayon joyeux a lui,

    Dissipant, lumière sainte,
    Ces ténèbres de l'amour :
    Méfiance, doute, crainte,
    Et que voici le grand jour !

    Longtemps craintive et muette,
    Entendez-vous ? La gaîté,
    Comme une vive alouette,
    Dans le ciel clair a chanté...

  • Les sanglots longs
    Des violons
    De l'automne
    Blessent mon coeur
    D'une langueur
    Monotone.

    Tout suffocant
    Et blême, quand
    Sonne l'heure,
    Je me souviens
    Des jours anciens
    Et je pleure

    Et je m'en vais
    Au vent mauvais
    Qui m'emporte
    Deçà, delà,
    Pareil à la
    Feuille morte.

  • Corrida de Muerte

    Les hauts barons blasonnés d'or,
    Les duchesses de similor,
    Les viveuses toutes hagardes,
    Les crevés aux faces blafardes,
    Vont s'égayer. Ah ! oui, vraiment,
    Jacques Bonhomme est bon enfant.

    C'est du sang vermeil qu'ils vont voir.
    Jadis, comme un rouge abattoir,
    Paris ne fut pour eux qu'un drame
    Et ce...

  • A Madame E.B.

    Un soir que vous rêviez assise au bord des grèves
    Vint s'étendre à vos pieds un harpeur de Quimper.
    Les rêves qu'il chantait ressemblaient à vos rêves
    Comme le bruit des pins aux rumeurs de la mer.

    Il disait la beauté de la terre océane,
    Son sortilège lent, délicat et secret,
    Et c'était votre charme, ô soeur de Viviane,
    Qu'en...

  • (villanelle)

    La chanson de la Bien-Aimée,
    Comme un trille d'oiseau siffleur,
    Monte dans la nuit parfumée.

    L'entendez-vous sous la ramée,
    A travers les pommiers en fleur,
    La chanson de la Bien-Aimée ?

    Comme une vivante fumée,
    Son rythme subtil et trembleur
    Monte dans la nuit parfumée.

    Et quand vient l'heure...

  • Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
    Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
    Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
    Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
    Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
    Et je te sourirai tout en branlant la tête,
    Et nous ferons...

  • O mon cher rouet, ma blanche bobine,
    Je vous aime mieux que l'or et l'argent !
    Vous me donnez tout, lait, beurre et farine,
    Et le gai logis, et le vêtement.
    Je vous aime mieux que l'or et l'argent,
    O mon cher rouet, ma blanche bobine !

    O mon cher rouet, ma blanche bobine,
    Vous chantez dès l'aube avec les oiseaux ;
    Eté comme hiver, chanvre ou laine...

  • Le ciel est loin ; les dieux sont sourds.
    Mais nos âmes sont immortelles !
    La terre s'ouvre ; où s'en vont-elles ?
    Souffrirons-nous encor, toujours ?

    L'amour est doux ; l'amour s'émousse.
    Un serment, combien dure-t-il ?
    Le coeur est faux, l'ennui, subtil.
    Sur la tombe en paix croît la mousse !

    La vie est courte et le jour long.
    Mais nos...

  • Le printemps n'a point tant de fleurs,
    L'autonne tant de raisins meurs,
    L'esté tant de chaleurs halées,
    L'hyver tant de froides gelées,
    Ny la mer a tant de poissons,
    Ny la Beauce tant de moissons,
    Ny la Bretaigne tant d'arenes,
    Ny l'Auvergne tant de fonteines,
    Ny la nuict tant de clairs flambeaux,
    Ny les forests tant de rameaux,
    Que je porte au...

  • Un doux trait de vos yeux, ô ma fiere deesse !
    Beaux yeux, mon seul confort,
    Peut me remettre en vie et m'oster la tristesse
    Qui me tient à la mort.
    Tournez ces clairs soleils, et par leur vive flame
    Retardez mon trespas :
    Un regard me suffit : le voulez-vous, madame ?
    Non, vous ne voulez pas.
    Un mot de vostre bouche à mon dam trop aimable,
    Mais...