Chanson

Un doux trait de vos yeux, ô ma fiere deesse !
Beaux yeux, mon seul confort,
Peut me remettre en vie et m'oster la tristesse
Qui me tient à la mort.
Tournez ces clairs soleils, et par leur vive flame
Retardez mon trespas :
Un regard me suffit : le voulez-vous, madame ?
Non, vous ne voulez pas.
Un mot de vostre bouche à mon dam trop aimable,
Mais qu'il soit sans courroux,
Peut changer le destin d'un amant miserable,
Qui n'adore que vous.
Il ne faut qu'un ouy, meslé d'un doux sou-rire
Plein d'amours et d'appas :
Mon Dieu ! que de longueurs, le voulez-vous point dire ?
Non, vous ne voulez pas.
Roche sourde à mes cris, de glaçons toute plaine,
Ame sans amitié,
Quand j'estoy moins brûlant, tu m'estois plus humaine
Et plus prompte à pitié.
Cessons donc de l'aimer, et, pour nous en distraire,
Tournons ailleurs nos pas.
Mais peut-il estre vray que je le veuille faire ?
Non, je ne le veux pas.

Collection: 
1576

More from Poet

  • L'âpre fureur de mon mal véhément
    Si hors de moi m'étrange et me retire
    Que je ne sais si c'est moi qui soupire,
    Ni sous quel ciel m'a jeté mon tourment.

    Suis-je mort ? Non, j'ai trop de sentiment,
    Je suis trop vif et passible au martyre.
    Suis-je vivant ? Las...

  • Si la vierge Erigone, Andromède, et Cythère,
    Astres pleins d'amitié, bénins et gracieux,
    Font le ciel plus aimable, et l'embellissent mieux
    Que le noir Scorpion, l'Hydre et le Sagittaire,

    Pourquoi ne changez-vous ce courage adversaire ?
    Pourquoi ne sont plus doux...

  • Celui que l'Amour range à son commandement
    Change de jour en jour de façon différente.
    Hélas ! j'en ai bien fait mainte preuve apparente,
    Ayant été par lui changé diversement.

    Je me suis vu muer, pour le commencement,
    En cerf qui porte au flanc une flèche sanglante...

  • Que servirait nier chose si reconnue ?
    Je l'avoue, il est vrai, mon amour diminue,
    Non pour objet nouveau qui me donne la loi,
    Mais c'est que vos façons sont trop froides pour moi.
    Vous avez trop d'égard, de conseil de sagesse,
    Mon humeur n'est pas propre à si tiède...

  • Si la loi des amours saintement nous assemble,
    Avec un seul esprit nous faisant respirer,
    L'outrage du malheur se peut-il endurer,
    Qui si cruellement nous arrache d'ensemble ?

    Je ne vous vois jamais, mon coeur, que je ne tremble,
    Appréhendant l'effort qui nous doit...