Philippe Desportes

  • L'âpre fureur de mon mal véhément
    Si hors de moi m'étrange et me retire
    Que je ne sais si c'est moi qui soupire,
    Ni sous quel ciel m'a jeté mon tourment.

    Suis-je mort ? Non, j'ai trop de sentiment,
    Je suis trop vif et passible au martyre.
    Suis-je vivant...

  • Si la vierge Erigone, Andromède, et Cythère,
    Astres pleins d'amitié, bénins et gracieux,
    Font le ciel plus aimable, et l'embellissent mieux
    Que le noir Scorpion, l'Hydre et le Sagittaire,

    Pourquoi ne changez-vous ce courage adversaire ?
    Pourquoi ne sont plus...

  • Celui que l'Amour range à son commandement
    Change de jour en jour de façon différente.
    Hélas ! j'en ai bien fait mainte preuve apparente,
    Ayant été par lui changé diversement.

    Je me suis vu muer, pour le commencement,
    En cerf qui porte au flanc une flèche...

  • Que servirait nier chose si reconnue ?
    Je l'avoue, il est vrai, mon amour diminue,
    Non pour objet nouveau qui me donne la loi,
    Mais c'est que vos façons sont trop froides pour moi.
    Vous avez trop d'égard, de conseil de sagesse,
    Mon humeur n'est pas propre à si tiède...

  • Si la loi des amours saintement nous assemble,
    Avec un seul esprit nous faisant respirer,
    L'outrage du malheur se peut-il endurer,
    Qui si cruellement nous arrache d'ensemble ?

    Je ne vous vois jamais, mon coeur, que je ne tremble,
    Appréhendant l'effort qui nous...

  • Celui qui n'a point vu le printemps gracieux
    Quand il étale au ciel sa richesse prisée,
    Remplissant l'air d'odeurs, les herbes de rosée,
    Les coeurs d'affections, et de larmes les yeux :

    Celui qui n'a point vu par un temps furieux
    La tourmente cesser et la mer...

  • Ô mon coeur plein d'ennuis, que trop prompt j'arraché
    Pour immoler à une, hélas ! qui n'en fait conté !
    Ô mes vers douloureux, les courriers de ma honte,
    Dont le cruel Amour ne fut jamais touché !

    Ô mon teint pâlissant, devant l'âge séché
    Par la froide rigueur...

  • Je crois que tout mon lit de chardons est semé !
    Qu'il est rude et malfait. Hé ! Dieu suis-je si tendre
    Que je n'y puis durer ? je ne fais que m'étendre,
    Et ne sens point venir le Somme accoutumé.

    Il est après mi-nuit, je n'ai pas l'oeil fermé,
    Et mes membres...

  • Autour des corps, qu'une mort avancée
    Par violance a privez d'un beau jour,
    Les ombres vont, et font maint et maint tour,
    Aimans encor leur dépoüille laissée.

    Au lieu cruel, où j'eu l'ame blessée
    Et fu meurtri par les flèches d'Amour,
    J'erre, je tourne et...

  • Vous n'aimez rien que vous, de vous-même maîtresse,
    Toute perfection en vous seule admirant,
    En vous votre désir commence et va mourant,
    Et l'amour seulement pour vous-même vous blesse.

    Franche et libre de soin, votre belle jeunesse
    D'un oeil cruel et beau mainte...