• Des enfants qui souffraient parce qu’ils étaient nés,
    Des femmes qui mouraient pour les avoir fait naître,
    Des hommes qui criaient comme font les damnés,
    Et qui voulaient la mort afin de ne plus être ;

    Des vieillards qui traînaient, — mornes, abandonnés,
    Le néant dans le cœur, le néant dans la tête, —
    Le long des tristes murs les débris de leur bête :...

  • Si chétive, une haleine, une âme,
    L’orpheline du porte-clés
    Promenait dans la cour infâme
    L’innocence en cheveux bouclés.

    Elle avait cinq ans ; son épaule
    Était blanche sous les haillons,
    Et, libre, elle emplissait la geôle
    D’éclats de rire et de rayons.

    Un bon vieux repris de justice
    Sculptait pour elle des joujoux ;
    L’ancien crime...

  • Vent, flèche, oiseau, tu passes
    A travers les espaces
    Où le jour s’alluma,
    Brillant Kâma !

    L’ombre diminuée
    Voit flotter la nuée
    De tes parfums ravis
    Aux madhavîs.

    Ton...

  • Malgré le froid, le ciel est en fête, et l’azur,
    Pâle encore, adoucit la lumière adorable ;
    Penché sur l’horizon, le soleil favorable
    Se répand et ne laisse aucun détail obscur.

    La colline montrant au loin sur un fond pur
    Le profil dépouillé d’un saule ou d’un érable,
    Abrite des maisons blanches, et sur le sable
    De la grève un vieux banc se chauffe...

  • Oh ! qui dira jamais, conque fine et nacrée,
    Dans combien d’océans, pendant combien d’hivers,
    Tu supportas, au choc enflammé des éclairs,
    L’assaut tumultueux de la haute marée !

    Maintenant, sous le ciel, parmi les fucus verts,
    Tu t’es fait un doux lit dans l’arène dorée.
    Mais ton espoir est vain. Longue et désespérée,
    En toi pleure à jamais la voix...

  • C’est une grande allée à deux rangs de tilleuls.
    Les enfants, en plein jour, n’osent y marcher seuls,
    Tant elle est haute, large et sombre.
    Il y fait froid l’été presque autant que l’hiver ;
    On ne sait quel sommeil en appesantit l’air
    ...

  • Que tes yeux sont charmants et profonds : ils sont plus
    Immenses que la mer et plus infinis qu’elle :
    Les horizons, qu’emplit la houle de son flux,
    Sont moins lointains que ceux qu’on voit en ta prunelle.

    Ma contemplation s’abîme dans tes yeux,
    Mer idéale dont les houles fantastiques
    Sur leur indéfini vague et silencieux
    Bercent languissamment mes...

  • Rassure-toi : — La Mort est bien le vrai sommeil
    Et l’on peut s’endormir sans craindre le réveil
    Et l’importunité des songes qui nous leurrent ;
    La Mort terrible est douce ; et dit à ceux qui pleurent :
    « Venez, vous oublîrez. » — Elle dit aux vaincus
    Comme nous : — « Venez tous ; vous ne lutterez plus.
    » Venez, dans le lait noir de mes noires mamelles,...

  • Un groupe de serpents, sur l’herbe printanière,
    Se livre avec furie aux amoureux ébats ;
    Quelques traînards, sifflant d’une horrible manière,
    Accourent et, tordus d’un replis de lanière,
    Sous la foule grouillante enfoncent leurs fronts plats.

    Ce ne sont que zigzags dans une masse noire,
    Étreintes, coups de fouet, brusques convulsions,
    C’est un chaos d...

  • Le sourire est en fleur sur les lèvres des belles,
    Dans la saison d’avril et des robes nouvelles. —
    Salut, ô rubans clairs, guimpes et cols brodés,
    Bonnets aériens !… toute la panoplie
    Révélant le bon goût d’une femme accomplie
    Traîne sur les fauteuils. — Les tiroirs sont vidés.

    C’est la fin d’un grand deuil. — La veuve blanche et rose
    Travaille avec...