• Un catafalque d’or surgit au fond des soirs,
    Quand les astres, comme des lampes,
    Brûlent, en étageant leurs rampes,
    Vers les lointains d’argent marbrant des parvis noirs.

    Quel mort en ce cercueil...

  • Oui ! les cœurs sont muets et les âmes sont sourdes.
    Ce siècle est sombre ; l’air, chargé de vapeurs lourdes,
    Roule, dans un brouillard confus, des hurlements
    Vagues, mêlés de cris et de gémissements.
    La femme pleure et meurt : l’homme pleure et s’affaisse ;
    L’enfant pleure et s’éteint ; et, sous la nuit épaisse
    Et formidable, on voit serpenter dans les airs...

  • Taisez-vous, ô mon cœur ! taisez-vous, ô mon âme !
    Et n’allez plus chercher de querelles au sort ;
    Le néant vous appelle et l’oubli vous réclame.

    Mon cœur, ne battez plus, puisque vous êtes mort ;
    Mon âme, repliez le reste de vos ailes,
    Car vous avez tenté votre suprême effort.

    Vos deux linceuls sont prêts, et vos fosses jumelles
    Ouvrent leur bouche...

  •  
    L'homme est humilié de son lot ; il se croit
    Fait pour un ciel plus pur, pour un sort moins étroit ;
    L'homme ne trouve pas de sa dignité d'être
    Malade, las, souffrant, errant sans rien connaître,
    Pareil au bœuf qui mange, au bouc qui s'assouvit,
    Poudreux d'un pas qu'il fait, souillé d'un jour qu'il vit,
    Fatigué du seul poids de l'heure vaine, esclave...

  • La lune, avec son œil vide et glacé, regarde
    L’hiver régner immense et blanc sur le sol dur ;
    La nuit est d’un total et translucide azur ;
    Le vent, comme un couteau, soudain, passe et poignarde.

    Aux horizons, là-bas, les longs chemins du gel
    Semblent, toujours plus loin, trouer les étendues,
    Et les étoiles d’or jusqu’au Zénith pendues
    Parmi l’éther,...

  • OH ! dans un cœur muet concentrer un désir !
    On a chassé de soi les choses du plaisir,
    Et l’on vit, se masquant de froideur ironique,
    Mais serrant après soi l’invisible tunique
    Dont on frissonne, ainsi qu’au toucher des fers chauds.
    Ivresse de cacher ses espoirs les plus hauts !
    La curiosité venimeuse qui guette,
    Ne sait où vous frapper, va plus loin...

  •  
    Pour Pierre de Bouchaud.

    Sur quelles mers, sous quels caps de l’infini sombre,
    La flotte des soleils, aux pavois bardés d’or,
    Eteindra-t-elle enfin ses feux, sanglants encor
    Des suprêmes combats livrés aux Dieux de l’ombre ?

    Combien d’humanités, nombrant par millions
    Leurs âmes, lasses et lourdes de...

  •  
    Un vulgaire assassin va chercher les ténèbres ;
    Il nie, il jure sur l’autel ;
    Mais nous, grands, libres, fiers, à nos exploits funèbres,
    A nos turpitudes célèbres,
    Nous voulons attacher un éclat immortel.

    De l’oubli taciturne et de son onde noire
    Nous savons détourner le cours.
    Nous appelons sur nous l’éternelle mémoire;
    Nos forfaits,...

  • Dans les caveaux d'insondable tristesse
    Où le Destin m'a déjà relégué ;
    Où jamais n'entre un rayon rose et gai ;
    Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse,

    Je suis comme un peintre qu'un Dieu moqueur
    Condamne à peindre, hélas ! sur les ténèbres ;
    Où, cuisinier aux appétits funèbres,
    Je fais bouillir et je mange mon coeur,

    Par instants brille,...

  • Les heures de la nuit sont lentes et funèbres.
    Frère, ne trembles-tu jamais en écoutant,
    Comme un bruit sourd de mer lointaine qu?on entend,
    La respiration tragique des ténèbres ?

    Les heures de la nuit sont filles de la peur ;
    Leur souffle fait mourir l?âme humble des veilleuses,
    Cependant que leurs mains froides et violeuses,
    S?allongent sous les draps...