Le Parnasse contemporain/1866/Dernières Ténèbres

Oui ! les cœurs sont muets et les âmes sont sourdes.
Ce siècle est sombre ; l’air, chargé de vapeurs lourdes,
Roule, dans un brouillard confus, des hurlements
Vagues, mêlés de cris et de gémissements.
La femme pleure et meurt : l’homme pleure et s’affaisse ;
L’enfant pleure et s’éteint ; et, sous la nuit épaisse
Et formidable, on voit serpenter dans les airs
Le méandre sinistre et sanglant des éclairs.
Saisi d’un hoquet lent et convulsif, le monde
Tressaille ; l’on dirait qu’il se meurt, et la ronde
Des astres fraternels, lents et silencieux,
D’un pétillement sombre emplit les larges cieux.

Des horizons lointains, creusés par le mystère,
Les vents tumultueux s’abattent sur la terre,
Et leurs ailes, planant avec un morne bruit,
Étendent à l’entour la tempête et la nuit.
L’Océan pleure ; et ses immensités funèbres
D’une houle bruyante agitent les ténèbres

Où l’on entend les eaux, frissonnant vaguement,
Battre d’un flux rhythmé les bords du firmament :
Et, parfois, aux lueurs fantastiques que l’ombre
Étend sur l’infini mouvant de la mer sombre,
Un point blanc se soulève, aussitôt affaissé.
Oh ! la nuit, la tempête, et les cieux ont versé
Sur l’univers l’horreur d’une immense tristesse
Qui soupire, murmure, et s’augmente sans cesse
Des bruits des vents, des pleurs de l’homme et des sanglots
Alternés des forêts lugubres et des flots !

Collection: 
1971

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À Henri Winter.

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