Un catafalque d’or surgit au fond des soirs,
Quand les astres, comme des lampes,
Brûlent, en étageant leurs rampes,
Vers les lointains d’argent marbrant des parvis noirs.
Quel mort en ce cercueil ? Le cœur des hommes d’ombre.
Non des banals victorieux
Dont l’audace brûle les yeux,
Mais le cœur des vaincus que la tristesse encombre.
Ils ont passé rêveurs, muets, hagards et seuls,
Toujours découragés d’eux-mêmes,
Laissant l’éclat des diadèmes
À d’autres fronts et se vêtant de leurs linceuls.
Après, se regardant, inquiets et des choses
Et des autres — et sans amours ;
Et néanmoins cherchant toujours
Sur les fumiers du monde à se nourrir de roses.
Lointainement par les grands mirages tentés,
Et par les gloires médusaires,
Mais peur des vices nécessaires,
Et du cynique assaut de tant d’hostilités.
Leurs bras, rameaux tendus vers le printemps des rêves,
Sont retombés, — et pas un fruit,
Pas une fleur d’or ou de nuit,
Jamais, pas un seul rut de feuilles ni de sèves.
Ce qui flottait de Dieu dans l’albe immensité,
— Douceur éparse et messagère —
On l’a cristallisé naguère
Au seuil des temps, en des vases d’éternité.
Mais le cristal s’en est fêlé. Les grands calices
Se sont vidés de l’infini.
Et maintenant l’esprit bruni
De trouble et les regards usés par les supplices,
Raffinés de la mort, nous l’invoquons les soirs,
Quand les astres, comme des lampes,
Brûlent, en étageant leurs rampes,
Vers les lointains d’argent marbrant des parvis noirs.