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    Inque situm furtim musa trahebat opus!

    Ovidius.

    I

    Au temps que j’étais pur et tout léger d’années.
    Quand, pensif écolier, je rêvais dans les bois,
    Toutes les nuits, alors, de roses couronnées,
    S’inclinaient sur ma couche, avec de douces voix.

    Alors les vents du ciel berçaient de leur haleine
    Mon sommeil étoile de blanches...

  • J’étais à toi peut-être avant de t’avoir vu.
    Ma vie, en se formant, fut promise à la tienne ;
    Ton nom m’en avertit par un trouble imprévu,
    Ton âme s’y cachait pour éveiller la mienne.
    Je l’entendis un jour, et je perdis la voix ;
    Je l’écoutai longtemps, j’oubliai de répondre.
    Mon être avec le tien venait de se confondre,
    Je crus qu’on m’appelait pour...

  • J’étais gai et l’église était calme au soleil,
    près des jardins où sous la vigne il y a des roses,
    près de la route où les oies et les canards causent,
    les belles oies qui sont blanches comme du sel.

    Sainte-Suzanne est le nom du petit village :
    c’est un nom doux ainsi qu’un vieux nom de grand-mère.
    L’auberge est pleine de fumée et de gros verres.
    Les...

  • I

    J'étais le vieux rôdeur sauvage de la mer,
    Une espèce de spectre au bord du gouffre amer ;
    J'avais dans l'âpre hiver, dans le vent, dans le givre,
    Dans l'orage, l'écume et l'ombre, émit un livre,
    Dont l'ouragan, noir souffle aux ordres du banni,
    Tournait chaque feuillet quand je l'avais fini ;
    Je n'avais rien en moi que l...

  • J’étais monté plus haut que l’aigle et le nuage :
    Sous mes pieds s’étendait un vaste paysage,
    Cerclé d’un double azur par le ciel et la mer,
    Et les crânes pelés des montagnes géantes
    En foule jaillissaient des profondeurs béantes,
    Comme de blancs écueils sortant du gouffre amer.

    C’était un vaste amas d’éboulements énormes,
    Des rochers grimaçant dans...

  • Lorsque j'étais encore un tout jeune homme pâle,
    Et que j'allais entrer dans la lice fatale,
    Sombre arène où plus d'un avant moi se perdit,
    L'âpre Muse aux regards mystérieux m'a dit :
    — Tu pars ; mais quand le Cid se mettait en campagne
    Pour son Dieu, pour son droit et pour sa chère Espagne,
    Il était bien armé ; ce vaillant Cid avait
    Deux casques,...

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    Tel j'étais autrefois et tel je suis encor.
    Quand ma main imprudente a tari mon trésor,
    Ou la nuit, accourant au sortir de la table,
    Si Laure m'a fermé le seuil inexorable,
    Je regagne mon toit. Là, lecteur studieux,
    Content et sans désirs, je rends grâces aux dieux.
    Je crie : O soins de l'homme, inquiétudes vaines !
    Oh! que de vide, hélas !...

  • Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive,
    Comme au long d’un cadavre un cadavre étendu,
    Je me pris à songer près de ce corps vendu
    À la triste beauté dont mon désir se prive.

    Je me représentai sa majesté native,
    Son regard de vigueur et de grâces armé,
    Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,
    Et dont le souvenir pour l’amour me ravive.

    ...
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    Si j’étais Dieu, la mort serait sans proie,
    Les hommes seraient bons, j’abolirais l’adieu,
    Et nous ne verserions que des larmes de joie,
                    Si j’étais Dieu.

    Si j’étais Dieu, de beaux fruits sans écorces
    Mûriraient ; le...

  • Sans connaissance aucune en mon Printemps j'étais :
    Alors aucun soupir encor point ne jetais,
    Libre sans liberté : car rien ne regrettais
    En ma vague pensée
    De mols et vains désirs follement dispensée.
    Mais Amour, tout jaloux du commun bien des Dieux,
    Se voulant rendre à moi, comme à maints, odieux,
    Me vint escarmoucher par faux alarmes d'yeux,
    Mais je...