• Un ange chez moi parfois vient le soir
    Dans un domino d’Hilcampt ou Palmyre,
    Robe en moire antique avec cachemire,
    Voilette & chapeau faisant masque noir.

    Ses ailes ainsi, nul ne peut les voir,
    Ni ses yeux d’azur où le ciel se mire ;
    Son joli menton que l’artiste admire,
    Un bouquet le cache ou bien le mouchoir.

    Mon petit lit rouge à...

  • Avec sa bouche aux coins rieurs
    Et ses yeux verts qu’un regret baigne
    De mélancoliques lueurs,
    Elle a pris mon âme, elle y règne,
    Et j’aime sa blonde beauté,
    Faite de grâce & de fierté.

    Elle est fantasque & violente,
    Mais elle met dans un coup d’œil
    Une caresse amollissante
    Qui fond lentement mon orgueil,
    Et sa voix d’enfant...

  • Point de repos pour l’âme humaine
    Sur ce monceau de terre où nous sommes jetés :
    Les chagrins & les maux d’une incessante haleine
    Y soufflent leur vapeur malsaine,
    ...

  • Paris s’endort. — Les nuées
    Par un vent frais remuées
    S’éparpillent dans les airs ;
    Sous leur brume pâle & fine
    La lune en manteau d’hermine
    Plane sur les quais déserts.

    Là-bas, comme une âme en peine,
    Une créature humaine,
    Bras nus, les cheveux au vent,
    Passe morne & désolée…
    Là-bas, dans la contre-allée,
    Près d’un...

  • L’Océan de l’Immensité
    Agite & soulève ses vagues.
    Le Soleil brille, & sa clarté
    Y fait luire des formes vagues.

    Et sans cesse, à l’appel du vent,
    Des flots montent à la surface ;
    Puis soudain ce qui fut vivant
    S’éteint, s’évanouit, s’efface.

  • Si la mort n’est pas l’ouverture
    Du néant vaste où rien ne luit ;
    S’il faut attendre dans sa nuit
    On ne sait quelle aube future ;

    Si l’espoir du repos nous ment ;
    Si le tourment de la pensée
    A la chair inerte & glacée
    Survit impérissablement ;

    Si la loi de Dieu tyrannique
    Sur l’angoisse, triste oreiller !
    Force les âmes de...

  • Le chemin où je marche est un chemin étroit :
    Les foules ne sont pas ce que l’on y redoute,
    Mais les cèdres puissants lui forment une voûte,
    Un soleil radieux y luit en maint endroit.

    Étant né très-naïf, avec le cœur très-droit,
    Je n’ai jamais trouvé sous mes pas d’autre route ;
    Car, moi, je ne sais rien des tristesses du doute,
    Et l’homme que je suis...

  • J’ai suivi du regard le vol d’une hirondelle,
    Et, très-haut dans l’azur, chaque battement d’aile
    Que je n’entendais pas figurait à mes yeux
    Les signes longs ou brefs d’un rhythme harmonieux ;
    Après des coups pressés comme des cris de joie,
    Le vol s’apaise, l’aile entière se déploie
    Immobile, & bientôt l’andante grave suit
    L’allegro palpitant qui...

  • Mon vieux compatriote, on t’oublie. On déterre,
    Chaque jour, dans le fond de quelque monastère,
    Un rimeur enfoui sous l’herbe & les plâtras ;
    On ressoude ses vers mutilés par les rats,
    On leur remet des pieds ; on les commente, on glose ;
    Un savant les encadre au milieu de sa prose ;
    Puis, un matin, Jehan Tournebrousche renaît !
    On en parle, on le...

  • Midi. Pas d’ombre. Un ciel d’acier, pulvérulent.
    La terre, brique sombre, au soleil se fendille.
    Par moments, une odeur lointaine de vanille
    Flotte, exquise, dans l’air immobile & brûlant.

    Là-bas, longeant la mer huileuse qui scintille,
    S’alignent les maisons aux murs bas peints en blanc,
    En rose, en lilas tendre, en vert pâle, en jonquille,
    De la...