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    Vos invisibles mains, ô Fileuses de l’Ombre,
    Des voiles constellés entremêlent sans bruit
    Les fils étincelants, et tournent dans l’air sombre
    Les funèbres fuseaux des rouets de la Nuit.

    Dans la trame éclatante où palpitent les astres
    Ensevelissez les destins mystérieux,
    D’héroïques espoirs et d’orgueilleux désastres,
    Ou la cendre d’un songe à...

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    Prêtre, je suis hanté, c’est la nuit dans la ville,
    Mon âme est le donjon des mortels péchés noirs,
    Il pleut une tristesse horrible aux promenoirs
    Et personne ne vient de la plèbe servile.

    Tout est calme et tout dort. La solitaire Ville
    S’aggrave de l’horreur vaste des vieux manoirs.
    Prêtre, je suis hanté, c’est la nuit dans la ville;
    Mon âme...

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    Près d’une porte où luit du sang, sur les battants,
    Mon cœur, là-bas, est haletant ;
    Près d’une porte, en des sous-sols, voisins de havres,
    Mon cœur surveille au loin de terribles cadavres.

    Ce sont des morts qu’on y apporte,
    À bras d’hommes ou sur des brancards noirs ;
    Des morts anciens qu’on apporte, le soir,
    Et que l’on...

  • Le vent nocturne, que parfume
    L’odeur fraîche des floraisons,
    Fait tinter à travers la brume
    Les flots sonores des chansons.

    Le charme d’un frisson lunaire
    Court et palpite dans la voix
    Qui bruit argentine et claire
    Sous le silence obscur du bois.

    Le sommeil sourd des rameaux sombres
    Emplit mystérieusement
    L’horreur frissonnante des...

  • Tout dort. Les ponts avec le gaz de leurs lanternes
    Se reflètent dans l’eau profonde. Entre les quais
    Voguent péniblement des bateaux remorqués,
    Et voici l’Hôtel-Dieu que flanquent des casernes.

    Voyez, se découpant sur les nuages ternes,
    Un vague entassement d’édifices tronqués,
    De vieux donjons pareils à des géants masqués,
    D’ogives, de créneaux, de...

  • Un long bras timbré d'or glisse du haut des arbres
    Et commence à descendre et tinte dans les branches.
    Les feuilles et les fleurs se pressent et s'entendent.
    J'ai vu l'orvet glisser dans la douceur du soir.
    Diane sur l'étang se penche et met son masque.
    Un soulier de satin court dans la clairière
    Comme un rappel de ciel qui rejoint l'...

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    On a des jours faits d’ombre et de mélancolie
          Et d’inexprimable dégoût,
    Où le cœur se repaît du passé qu’on oublie
    Comme d’un fruit perdu dont on garde le goût.

    Un sang vif et fiévreux vous bat contre les tempes :
          Comme une mer sur des galets ;
    On trouve dans son cœur à peine quelques lampes :
    C’est la chambre funèbre où sont...

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    COMME il fait bon d’être plusieurs quand il fait noir,
    Et que nous subissions l’influence du soir,
    Rêveur, chacun de nous écoutait sa pensée
    Par le même silence intimement bercée.
    La nuit mélancolique épanchait sa douceur
    Avec un caressant geste de grande sœur,
    Et nous voyions passer dans l’ombre transparente,
    De temps en temps, soudaine, une...

  • La blême lune allume en la mare qui luit
    Miroir des gloires d’or, un émoi d’incendie.
    Tout dort. Seul, à mi-mort, un rossignol de nuit
    Module en mal d’amour sa molle mélodie.

    Plus ne vibrent les vents en le mystère vert
    Des ramures. La lune a tû leurs voix nocturnes :
    Mais à travers le deuil du feuillage entr’ouvert
    Pleuvent les bleus baisers des...

  • Oh ! les durs, durs pavés
    Pour les petits pieds nus
    Des enfants perdus,
    Des enfants trouvés !

    Oh ! pour les non-repus,
    Et pour les sans-logis,
    ...