Ciel nocturne

 
Vos invisibles mains, ô Fileuses de l’Ombre,
Des voiles constellés entremêlent sans bruit
Les fils étincelants, et tournent dans l’air sombre
Les funèbres fuseaux des rouets de la Nuit.

Dans la trame éclatante où palpitent les astres
Ensevelissez les destins mystérieux,
D’héroïques espoirs et d’orgueilleux désastres,
Ou la cendre d’un songe à jamais glorieux.

Mais, pour le mal secret d’une âme tendre et fière
Et pour l’obscur tourment dont souffre un cœur troublé,
Silencieuses Sœurs, douces à ma prière,
N’ourdissez pas les fils du suaire étoilé.

Fileuses, attendez que la lune illumine
Le ciel pur, du reflet de sa pâle clarté,
Et chargeant vos fuseaux de la lueur divine,
Filez diligemment un linceul argenté.

Afin que la douceur de l’inutile rêve
Repose ensevelie au plus nocturne pli,
Aux rouets ténébreux entremêlez sans trêve
Le rayonnant silence et l’éternel oubli.

Collection: 
1895

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