Le Parnasse contemporain/1866/Ronde nocturne

Le vent nocturne, que parfume
L’odeur fraîche des floraisons,
Fait tinter à travers la brume
Les flots sonores des chansons.

Le charme d’un frisson lunaire
Court et palpite dans la voix
Qui bruit argentine et claire
Sous le silence obscur du bois.

Le sommeil sourd des rameaux sombres
Emplit mystérieusement
L’horreur frissonnante des ombres
D’un peuple spectral et charmant.
 
Sous l’éblouissement stellaire
Qui pâlit les obscurités,
Dans une danse circulaire
S’entrelacent des nudités.

Salut, Houris, anges féeriques,
Promises aux hommes pieux,
O vous que les Hudhuds lyriques
Évoquent de l’azur des cieux ;

Et qui, dans nos brouillards moroses,
Faites à nos regards maudits
Tourbillonner, claires et roses,
Les visions des paradis.

Je vous vois souvent dans une âme
Bien plus profonde que ces bois,
Dans l’âme chère d’une femme
Où l’amour chante à pleine voix ;

Où le rêve, comme une lune,
Plaque l’argent de ses rayons
Sur votre troupe blanche et brune,
Pâle sous les noirs horizons ;

Et mon cœur, plein des magnifiques
Rayonnements de vos beautés,
Salue en vous, formes mystiques,
Le chœur des chastes voluptés.

Collection: 
1971

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