• A l’époque où le soin de surveiller sa terre
    Fait les loisirs d’Horace au magistrat austère,
    Quand le soleil tardif, en humeur de chômer,
    Délivre son permis de chasse au Sagittaire,
    Avec le droit — de s’enrhumer,

    J’y grimpais quelquefois par la Sente à la chèvre,
    ...

  • Par un bienfait des destinées,
    D'accord avec ma grand’ maman,
    J’ai vécu mes jeunes années
    Sur le pâtis de l’Isle-Adam.

    J’ai poussé dans de l’herbe folle,
    Comme un modeste liseron.
    Je gaminais, après l’école,
    Avec le trèfle & le mouron.

    Quand je partis pour le collége,
    Les moindres brins, mes chers amis,
    Semblaient me plaindre....

  • Descendu de ce monde aux pays ténébreux,
    Dante vit de l’Enfer les royaumes rebelles,
    Puis, au séjour céleste élevé sur les ailes
    De l’âme, il nous en fit le récit merveilleux.

    Astre aux puissants rayons, il découvrit aux yeux
    Des aveugles humains les choses éternelles,
    Et reçut pour le don de ces lumières belles
    Le prix que trop souvent l’on paye aux...

  • Je veux chanter ma ballade à mon tour !
    O Poésie, ô ma mère mourante,
    Comme tes fils t’aimaient d’un grand amour,
    Dans ce Paris, en Tan mil huit cent trente !
    Pour eux les docks, l’autrichien, la rente.
    Les mots de Bourse étaient du pur hébreu ;
    Enfant divin, plus beau que Richelieu,
    Musset chantait ; Hugo tenait la lyre.
    Jeune, superbe, écouté...

  • Quand j’aperçus tes yeux pour la première fois,
    Non, je n’aperçus pas une chose charnelle ;
    Et de toi j’attendis cette paix éternelle
    Qui semble un but sacré que dans l’azur je vois.

    De la beauté d’un jour mon âme fuit les lois,
    Vers le libre zénith montant à grands coups d’aile,
    Et, pour mieux embrasser la forme universelle,
    Suit le rhythme infini...

  • Toi qui vis au dedans d’une chair vulnérable,
    En butte à l’ennemi que tu veux protéger,
    Ô pauvre âme, pourquoi rechercher le danger
    Et te rendre toi-même abjecte & misérable ?

    Ayant avec la vie un bail si peu durable,
    Pourquoi parer un corps qui n’est qu’un étranger ?
    De riches ornements à quoi bon surcharger
    Ta fragile demeure assise sur le sable...

  • Aux hommes de mon temps je rêve un cœur hanté
    Par quelque grand projet d’envergure superbe,
    Tel que les bons géants qui sommeillent sous l’herbe
    En concevaient aux temps féconds de l’équité.

    Et, prenant mon désir pour la réalité,
    Comme à Lazare mort un jour parla le Verbe,
    Je leur dis : Levez-vous, car voici que la gerbe
    Du froment de justice est mûre...

  • Ses cheveux sont rougis d’un flot de sang vermeil ;
    De ses lèvres en fleur s’envole un dernier râle ;
    Ainsi qu’un lis fauché, le jeune héros pâle
    Dort, sur des étendards, de l’éternel sommeil.

    Le chapelain, de l’âme évoquant le réveil,
    Devant le trépassé chante de sa voix mâle ;
    Les rudes lansquenets, tout bronzés par le hâle,
    Entourent, à genoux, le...

  • J’aimais autrefois la forme païenne ;
    Je m’étais créé, fou d’antiquité,
    Un blanc idéal de marbre sculpté
    D’hétaïre grecque ou milésienne.

    Maintenant j’adore une Italienne,
    Un type accompli de modernité,
    Qui met des gilets, fume & prend du thé,
    Et qu’on croit Anglaise ou Parisienne.

    L’amour de mon marbre a fait un pastel,
    Les yeux...

  • En la trentième année, au siècle de l’épreuve,
    Étant captif parmi les cavaliers d’Assur,
    Thogorma, le Voyant, fils d’Élam, fils de Thur,
    Eut ce rêve, couché dans les roseaux du fleuve,
    A l’heure où le soleil blanchit l’herbe & le mur.

    Depuis que le Chasseur Iahveh, qui terrasse
    Les forts & de leur chair nourrit l’aigle & le chien,
    Avait...