L’âme est en nous gênée, immobile, plaintive ;
Son aile est repliée, hélas ! & s’il arrive
Parfois que le regret du ciel éblouissant
La prenne, & que l’essor la tourmente, elle sent
Se rétrécir soudain la geôle accoutumée,
Et c’est comme un oiseau dans une main fermée.
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Comme un agonisant caché, les lèvres blanches,
Sous les draps en sueur dont ses bras & ses hanches
Soulèvent par endroits les grands plis distendus,
Au fond du bloc, taillé brusquement comme un arbre,
On devine, râlant sous le manteau de marbre,
Le géant qu’il écrase, & ses membres tordus.Impuissance ou dégoût ! Le ciseau du vieux maître
N’a... -
Sur l’ais noir incrusté de nacre orientale,
Lourd comme un rituel du saint rite romain,
L’armoriai d’Espagne, en double parchemin
D’Alcoy, relié d’or, tout grand ouvert s’étale.Une arabesque bleue aux rinceaux de carmin,
Plus éclatante qu’un vitrail de cathédrale,
Sur la première page étire sa spirale
Autour d’un écusson large comme la main....
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C’est le soir, le couchant allumant ses fournaises
Semble un fondeur penché qui ravive des braises ;
Comme un bouclier d’or à la forge rougi,
Par un brouillard sanglant le soleil élargi
Plonge dans un amas de nuages étranges
Qui font traîner sur l’eau la pourpre de leurs franges.
Le rivage est désert ; — pour tout bruit l’on entend
La respiration du... -
Sur le fleuve d’oubli, feuillages d’or séchés,
Tous nos moments heureux s’en vont loin de nos rives.
Le temps disperse au loin les heures fugitives
Ainsi qu’un tourbillon d’oiseaux effarouchés.Mordons à belles dents aux fruits sur nous penchés ;
Laissons-nous entraîner aux douces récidives.
Sans doute, ce matin, nous sommes des convives,
Mais ce soir... -
Sakhar, fils de Sharîd, homme plein de vaillance,
Dans un combat reçut au flanc un coup de lance ;
La blessure n’était point bonne, &, dans son lit,
Depuis un an bientôt tristement il languit.Sa femme, qui le soigne & qui le quitte à peine,
Y trouve tant d’ennuis qu’elle l’a pris en haine.
Il l’entend une fois, dans ses noires humeurs,
... -
Mon esprit, comme un somnambule,
Hante la crête des grands murs.
Mes pas jamais ne sont plus sûrs
Qu’au bord des toits où je circule.Dans les ténèbres je vois clair :
Les yeux sont clos, mais l’âme ouverte ;
Et j’avance à la découverte
Dans la molle épaisseur de l’air.Je ne vois rien que ma pensée,
Qui me guide infailliblement,
Et... -
Je veux, comme un artiste amoureux des émaux,
Fondre patiemment les teintes délicates
De la rose, du ciel, de l’or & des agates
Pour en faire des prés, du soleil, des hameaux.Sur le fond de médaille, à travers les rameaux,
Les murs remis à neuf auront des blancheurs mates,
Et dans les blés vernis mille fleurs écarlates
Inviteront les pieds des... -
Qu’elle est belle avec ses grands yeux,
Ses yeux profonds, mystérieux
Comme le ciel où se déplie
L’ombre des soirs silencieux !
Un amour insensé me lie !Neige blanche des hauts sommets,
Son âme froide n’a jamais
Compris les tourments de ma vie :
O morts paisibles, désormais
C’est à vous que je porte envie !Ainsi je racontais mes...
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Refleuris sous mon front, ô fleur de volupté,
Fleur du rêve païen, fleur vivante & charnelle,
Corps féminin qu’aux jours de l’Olympe enchanté
Un cygne enveloppa des blancheurs de son aile.L’amour des Cieux a fait chaste ta nudité :
Sous tes contours sacrés la fange maternelle
Revêt la dignité d’une chose éternelle
Et, pour vivre à jamais, s’...