• On leur fait des sonnets, passables quelquefois ;
    On baise cette main qu’elles daignent vous tendre ;
    On les suit à l’église, on les admire au bois ;
    On redevient Damis, on redevient Clitandre ;

    Le bal est leur triomphe, et l’on brigue leur choix ;
    On danse, on rit, on cause, et vous pouvez entendre,
    Tout en valsant, parmi les luths et les hautbois,
    ...

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    À Catulle Mendès.

    Las des pédants de Salamanque
    Et de l’école aux noirs gradins,
    Je vais me faire saltimbanque
    Et vivre avec les baladins.

    Que je dorme entre quatre toiles,
    La nuque sur un vieux tambour,
    Mais que la fraîcheur des étoiles
    Baigne mon front brûlé d’amour.

    Je consens à risquer ma tête
    En jonglant avec...

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    Aujourd’hui dans tes bras j’ai demeuré pâmée,
    Aujourd’hui, cher Tirsis, ton amoureuse ardeur
    Triomphe impunément de toute ma pudeur,
    Et je cede aux transports dont mon âme est charmée.

    Ta flâme et ton respect m’ont enfin désarmée,
    Dans nos embrassemens je mets tout mon bonheur,
    Et je ne connois plus de vertu ni d’honneur,
    Puisque j’aime Tirsis...

  • L’autre soir, je voyais la petite Marie
    Rester, près de la lampe, en extase et sans voix ;
    Car elle avait tiré de son coffre de bois
    Ce jouet d’Allemagne appelé bergerie.

    Les moutons étaient gros comme la métairie
    Qui, certes, n’aurait pu loger les villageois ;
    Les arbres sur leurs pieds naïfs étaient tout droits,
    Et le vieux tapis vert jouait mal la...

  • La petite Marie est morte,
    Et son cercueil est si peu long
    Qu’il tient sous le bras qui l’emporte
    Comme un étui de violon.

    Sur le tapis et sur la table
    Traîne l’héritage enfantin.
    Les bras ballants, l’air lamentable,
    Tout affaissé, gît le pantin.

    Et si la poupée est plus ferme,
    C’est la faute de son bâton ;
    Dans son œil une larme...


  • ...

  • L’aube sur les grands monts se leva frémissante
    Le six janvier de l’an du Christ huit cent soixante,
    Comme si dans les cieux cette clarté savait
    Pourquoi l’homme de fer et d’acier se revêt
    Et quelle ombre il prépare aux livides journées.

    Une blême blancheur baigne les Pyrénées ;

    Le louche point du jour de la morne saison,
    Par places, dans le large et...

  • Par ces vieux soirs des mois vides, le train circule
    De forêt en village et de bruyère en bourg ;
    Le train grinçant et dur, le train torpide et lourd
    Qui semble charrier les blocs du crépuscule.

    Les longs et noirs wagons roulent parmi l’hiver,
    — Ressorts bandés, essieux tendus, bâches gonflées,
    Trouant l’espace entier d’une brusque vallée
    De chocs, de...

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    Au-dessus du tombeau trône un guerrier nu-tête
    Qui dresse un front de roi sur un buste d’athlète.
    Tuniques et manteaux jusqu’aux hanches tombés
    Laissent voir la poitrine aux grands muscles bombés,
    Virils témoins d’un âge où la force est bien-mûre,
    Et, sous le beau travail d’une opulente armure,
    Les épaules, malgré le fardeau de l’airain,
    ...

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    La brume a noyé l’horizon blafard,
    Les vents font le bruit d’un taureau qui beugle,
    Et, sur les prés nus, le ciel sans regard
    S’ouvre, vide et blanc comme un œil d’aveugle.

    Ce n’est pas la nuit, ce n’est pas le jour ;
    Du zénith glacé, je sens, comme un givre,
    Tomber sur mon cœur, qui n’a plus d’amour,
    Le dégoût d’être homme et l’ennui de...