Par ces vieux soirs des mois vides, le train circule
De forêt en village et de bruyère en bourg ;
Le train grinçant et dur, le train torpide et lourd
Qui semble charrier les blocs du crépuscule.
Les longs et noirs wagons roulent parmi l’hiver,
— Ressorts bandés, essieux tendus, bâches gonflées,
Trouant l’espace entier d’une brusque vallée
De chocs, de cris, de bruits et de plaintes en fer.
La plaine est blanche et dort sous les givres candides ;
La plaine au loin reluit comme un minerai blanc ;
La plaine est dans l’attente et dans l’émoi tremblant
D’on ne sait quoi de clair, de vierge et de splendide.
Le Christ est né. Les bons anges veillent dessus ;
La neige a chu, avec bonté et vigilance ;
La campagne, depuis des siècles, fait silence,
Autour des rois et des bergers qu’attend Jésus.
Mais aujourd’hui sous le grand ciel bombant sa voûte,
Avec ses cargaisons sombres qui vont et vont,
Seul le train marche — et les mages doux et profonds
N’osent vers le sauveur divin se mettre en route.
Et les granges, les clos, les maisons et les toits,
Disséminés au loin par les champs léthargiques,
Ont peur, tandis qu’en sa marche logique,
Le train mord le silence et perfore le froid.