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    Il neige incessamment, il neige jour et nuit.
    Le mont est blanc, le val est blanc, la plaine est blanche.
    Tout s’efface, tout sombre et tout s’évanouit
    Sous les flots de l’immense et muette avalanche.

    Il neige jour et nuit, il neige incessamment ;
    Le lourd linceul mouvant s’épaissit d’heure en heure.
    Parfois le vent glacé pousse le bramement
    ...

  • Dites, les gens, les vieilles gens,
    Faites flamber foyers et cœurs dans les hameaux,
    Dites, les gens, les vieilles gens,
    Faites luire de l’or dans vos carreaux
    Qui regardent la route,
    Car les mages avec leurs blancs manteaux,
    Car les bergers avec leurs blancs troupeaux,
    Sont là qui débouchent et qui écoutent
    Et qui s’avancent...

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    Sur un char paresseux, le soleil tristement
    Se lève, enveloppé d’un sombre vêtement.
    Quelle affreuse pâleur deshonnore sa face ?
    Comme rapidement sa lumière s’efface !
    De l’empire des airs n’est-il donc plus le roi ?
    Qu’a-t-il fait de ses traits ? Où sont-ils ? Et pourquoi
    Si long-tems à la nuit abandonner son trône ?
    Est-ce là ce vainqueur que...

  • L’hiver est là. L’oiseau meurt de faim ; l’homme gèle.
    Passe pour l’homme encor ; mais l’oiseau, c’est pitié !
    Dans un bouquin rongé des rats plus qu’à moitié
    J’ai lu qu’il paie aussi la faute originelle.

    La bise a mangé l’air, durci le sol, lié
    Les ruisseaux. — Temps propice aux heureux ! La flanelle
    Les couvre...

  • Le hibou parmi les décombres
    Hurle, et Décembre va finir ;
    Et le douloureux souvenir
    Sur ton coeur jette encor ses ombres.

    Le vol de ces jours que tu nombres,
    L'aurais-tu voulu retenir ?
    Combien seront, dans l'avenir,
    Brillants et purs ; et combien, sombres ?

    Laisse donc les ans s'épuiser.
    Que de larmes pour un baiser,
    Que d'...

  • Je la revois, après vingt ans, l'île où Décembre
    Me jeta, pâle naufragé.
    La voilà ! c'est bien elle. Elle est comme une chambre
    Où rien encor n'est dérangé.

    Oui, c'était bien ainsi qu'elle était ; il me semble
    Qu'elle rit, et que j'aperçois
    Le même oiseau qui fuit, la même fleur qui tremble,
    La même aurore dans les bois ;

    Il me semble...

  • Jouissez du repos que vous donne le maître.
    Vous étiez autrefois des coeurs troublés peut-être,
    Qu'un vain songe poursuit ;
    L'erreur vous tourmentait, ou la haine, ou l'envie ;
    Vos bouches, d'où sortait la vapeur de la vie,
    Étaient pleines de bruit.

    Faces confusément l'une à l'autre apparues,
    Vous alliez et veniez en foule dans les rues,
    Ne...

  • Le givre étincelant, sur les carreaux gelés,
    Dessine des milliers d'arabesques informes ;
    Le fleuve roule au loin des banquises énormes ;
    De fauves tourbillons passent échevelés.

    Sur la crête des monts par l'ouragan pelés,
    De gros nuages lourds heurtent leurs flancs difformes ;
    Les sapins sont tout blancs de neige, et les vieux ormes
    Dressent dans...

  • (Les hôtes)

    - Ouvrez, les gens, ouvrez la porte,
    je frappe au seuil et à l'auvent,
    ouvrez, les gens, je suis le vent,
    qui s'habille de feuilles mortes.

    - Entrez, monsieur, entrez, le vent,
    voici pour vous la cheminée
    et sa niche badigeonnée ;
    entrez chez nous, monsieur le vent.

    - Ouvrez, les gens, je suis la pluie,
    je...

  • LE POÈTE

    Du temps que j'étais écolier,
    Je restais un soir à veiller
    Dans notre salle solitaire.
    Devant ma table vint s'asseoir
    Un pauvre enfant vêtu de noir,
    Qui me ressemblait comme un frère.

    Son visage était triste et beau :
    A la lueur de mon flambeau,
    Dans mon livre ouvert il vint lire.
    Il pencha son front sur sa main,
    Et...