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    Sous ton modeste toit, que l’amitié visite,
    Clos tes jours occupés, cultive en paix ton art.
    Ne va point dans la foule où l’homme vain s’agite :
    La foule t’est mauvaise, ami ; vis à l’écart.

    Dieu t’a fait le cœur haut, l’esprit inexorable ;
    Tu ne saurais longtemps toi-même t’abuser.
    Pour qui le voit de près, ce monde est misérable :
    Il le...

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    Il est en moi déjà bien des tombes muettes,
    Il est en moi des morts bien chèrement pleurés ;
    Mon âme à tous voilant ses angoisses secrètes,
    Les visite, la nuit, de ses pleurs ignorés.

    Mais s’ils coulent, ces pleurs, ils coulent en silence.
    Pour étouffer mes cris j’ai bâillonné ma voix.
    L’oiseau que la vipère a surpris sans défense
    Et mordu,...

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    O frère, ô jeune ami, dernier fils de ma mère,
    O toi qui devanças, dans le val regretté,
    Cette enfant, notre sœur, une rose éphémère,
             Qui ne vécut qu’un jour d’été ;

    Que fais-tu, cher absent, ô mon frère ! à cette heure
    Où mon cœur et mes yeux se retournent vers toi ?
    Ta pensée, évoquant les beaux jours que je pleure,
             Revole-...

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    Encore une feuille qui tombe
    De l’arbre où j’appuyais mon cœur ;
    Encore un ami dans la tombe,
    Encore un deuil dans ma douleur.

    Le jour décroît, l’ombre s’avance,
    Notre astre baisse à l’horizon :
    De solitude et de silence
    Chaque heure emplit notre maison.

    Muette et vide est la demeure
    Où riaient les espoirs amis.
    Ces purs...

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    O Maître ! longuement j’ai pensé ta pensée,
    Et mon cœur a gémi ce qu’a gémi ton cœur ;
    Revivant après toi ta souffrance passée,
    J’ai de tes jours amers bu l’amère liqueur.

    De tes déceptions la moisson m’est connue ;
    Le sort ne me fut pas plus qu’à toi léger :
    Comme toi j’ai trouvé la vie et lourde et nue ;
    Rien de l’homme ici-bas n’est à l’...

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    Et la reine des nuits au pâle et doux rayon,
    Prend son essor léger des bords de l’horizon,
    Et monte en se berçant dans les airs qui blanchissent ;
    A son brillant aspect les étoiles pâlissent,
    Effaçant dans l'azur leurs timides clartés.
    Mais la tendre lueur coule à flots argentés
    Et fait briller des mers la surface immobile.
    Le jeune homme au...

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    Combien de fois, ô Lune, en ces paisibles heures
    Où l’ombre de la nuit s’épand sur nos demeures,
    Quand ton globe d’argent montait à l’horizon,
    J’ai promené mon rêve à travers le gazon
    Où tes rayons lactés glissaient avec mollesse !
    Des saules éplorés éclairant la tristesse,
    Tu dormais à mes pieds sur la mousse et les fleurs,
    Et, du dôme des...

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    Un soir, je lui disais, assis à ses cotés,
    Et sur ses beaux yeux noirs mes deux yeux arrêtés :
    « Être charmant et doux, calme enfant de la terre,
    Vous avez les fraîcheurs de la fleur solitaire
    Qui croît au bord de l’onde ou dans l’herbe des champs ;
    Votre cœur est plus pur, vos yeux sont plus brillants
    Que la perle tremblante aux cils blonds de l’...

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    Avril emplissait l’air de souffles caressants,
    Aux rameaux noirs tremblaient les bourgeons rougissants,
    Dans les hauts marronniers quelques feuilles frileuses
    Sortaient timidement de leurs gaines soyeuses.
    Comme une jeune mère aux charmantes pudeurs,
    La terre se voilait de fécondes verdeurs.
    Les germes s’éveillaient sous la brise plus chaude,
    ...

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    I

    Tu dors sous la terre étrangère,
    Frappé par l’obus ennemi,
    De mon enfance toi le frère,
    De ma jeunesse toi l’ami !

    Soldat au cœur stoïque et brave,
    Voyant nos foyers envahis,
    Quand vint ton heure, calme et grave,
    Tu sus mourir pour ton pays.

    Du sein des tempêtes traîtresses
    Où la France allait s’engloutir,
    J’entends...