Avril emplissait l’air de souffles caressants,
Aux rameaux noirs tremblaient les bourgeons rougissants,
Dans les hauts marronniers quelques feuilles frileuses
Sortaient timidement de leurs gaines soyeuses.
Comme une jeune mère aux charmantes pudeurs,
La terre se voilait de fécondes verdeurs.
Les germes s’éveillaient sous la brise plus chaude,
La cime des forêts se teignait d’émeraude ;
De gazouillements clairs, de mille bruits joyeux
L’onde et l’oiseau fêtaient le pâle azur des cieux.
Le merle, par instants, enivré de lumière,
Des éclats de sa voix emplissait la clairière,
Et tout semblait heureux de vivre, et, seul, mon cœur
Ne pouvait secouer sa nuit ni sa langueur.
Oh! pourquoi la tristesse et les langueurs moroses
Quand la vie en chantant s’éveille au sein des choses ?
Je ne sais ; mais ton souffle, ô le plus cher des mois,
Avril ! ton souffle ami, pour la première fois,
Se jouait à mon front sans en dissiper l’ombre.
Dans tes clartés baigné mon esprit restait sombre.
Me rappelant ma vie aux vœux inécoutés,
Et mes printemps déçus, et mes jours avortés,
Je songeais tristement combien vite on oublie...
Et plein de pitié tendre et de mélancolie,
Tandis qu’à mes côtés tout naissait pour fleurir,
Moi, d’un sommeil sans fin j’aurais voulu dormir,
Et, près d’Elle couché sous la mousse embaumée,
Mêler ma cendre heureuse à sa poussière aimée !