• Qui donc frappe à cette heure ? — Un voyageur si las
    Qu’il ne pourrait pas faire un pas de plus. — Hélas !
    Entre, j’ai vu l’appel que ton bras faible agite ;
    Et dis ce qu’il te faut, tu l’auras. — Rien qu’un gîte,
    Rien qu’un lit. — Mais d’abord qu’un feu clair & vermeil
    Te ranime ; tu dois avoir froid ? — J’ai sommeil,
    Je veux un lit. — Le lit t’est...

  • Le front a des blancheurs mates de cire vierge,
    Car il est ignorant des choses du Malin,
    Et l’âme transparaît sous la robe de lin
    Comme à travers l’albâtre une flamme de cierge.

    Le pied, chaussé de vair, de l’arabesque émerge,
    Et la nuque, appuyée au nimbe d’argent fin,
    Se redresse extatique. En marge du vélin
    On lit un nom de reine, Ingeburge ou...

  • La Satiété dort au fond de vos grands yeux ;
    En eux plus de désirs, plus d’amour, plus d’envie ;
    Ils ont bu la lumière, ils ont tari la vie,
    Comme une mer profonde où s’absorbent les cieux.

    Sous leur bleu sombre, on lit le vaste ennui des Dieux,
    Pour qui toute chimère est d’avance assouvie,
    Et qui, sachant l’effet dont la cause est suivie,
    Mélangent...

  • Sur l’ais noir incrusté de nacre orientale,
    Lourd comme un rituel du saint rite romain,
    L’armoriai d’Espagne, en double parchemin
    D’Alcoy, relié d’or, tout grand ouvert s’étale.

    Une arabesque bleue aux rinceaux de carmin,
    Plus éclatante qu’un vitrail de cathédrale,
    Sur la première page étire sa spirale
    Autour d’un écusson large comme la main.

    ...

  • C’est le soir, le couchant allumant ses fournaises
    Semble un fondeur penché qui ravive des braises ;
    Comme un bouclier d’or à la forge rougi,
    Par un brouillard sanglant le soleil élargi
    Plonge dans un amas de nuages étranges
    Qui font traîner sur l’eau la pourpre de leurs franges.
    Le rivage est désert ; — pour tout bruit l’on entend
    La respiration du...

  • Sur le fleuve d’oubli, feuillages d’or séchés,
    Tous nos moments heureux s’en vont loin de nos rives.
    Le temps disperse au loin les heures fugitives
    Ainsi qu’un tourbillon d’oiseaux effarouchés.

    Mordons à belles dents aux fruits sur nous penchés ;
    Laissons-nous entraîner aux douces récidives.
    Sans doute, ce matin, nous sommes des convives,
    Mais ce soir...

  • Sakhar, fils de Sharîd, homme plein de vaillance,
    Dans un combat reçut au flanc un coup de lance ;
    La blessure n’était point bonne, &, dans son lit,
    Depuis un an bientôt tristement il languit.

    Sa femme, qui le soigne & qui le quitte à peine,
    Y trouve tant d’ennuis qu’elle l’a pris en haine.
    Il l’entend une fois, dans ses noires humeurs,
    ...

  • Qu’elle est belle avec ses grands yeux,
    Ses yeux profonds, mystérieux
    Comme le ciel où se déplie
    L’ombre des soirs silencieux !
    Un amour insensé me lie !

    Neige blanche des hauts sommets,
    Son âme froide n’a jamais
    Compris les tourments de ma vie :
    O morts paisibles, désormais
    C’est à vous que je porte envie !

    Ainsi je racontais mes...

  • LA NOURRICE.

    Tu vis ! ou vois-je ici l’ombre d’une princesse ?
    À mes lèvres tes doigts & leurs bagues, & cesse
    De marcher dans un âge ignoré !

    HÉRODIADE.

    De marcher...

  • Sorti pendant le jour dans les bosquets secrets,
    Sous un ciel apaisé, murmurant & plus frais.
    J’observais par endroits quelque arbre des allées,
    Mêlant à de plus verts ses branches dépouillées :
    « Oh ! ce n’est pas l’automne encore (& je passais) ;
    Ces précédents soleils ont donné par accès,
    Leur poids est assez fort pour qu’un feuillage en meure ;...