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    À Mme la Comtesse Marie Krasicka.

    Toi qui n’ouvres les bras qu’au désir des rebelles
    Et qui, malgré les ans, frémis d’avoir nourri
    Du lait riche en ferment de tes sombres mamelles
    Eschyle, Michel Ange et Dante Alighieri,

    Au fils d’un siècle ingrat ne voile pas ta face
    Ni du temple éternel ne lui défends l’accès ;
    Il ne...

  • À la beauté du Ciel votre beauté j'égale :
    Le Ciel en sa rondeur toute forme contient,
    Et par son mouvement crée, émeut et maintient ;
    De semblables effets vous êtes libérale.

    Car votre belle vue admirable et fatale
    Crée en nous les amours, les garde et Ies soutient,
    Et tant de beaux pensers dont l'esprit s'entretient,
    Ont leur mouvement d'elIe et...

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    Eh quoi ! vous vous plaignez, vous aussi, de la vie !
    Vous avez des douleurs, des ennuis, des dégoûts !
    Un dard sans force aux yeux, sur la lèvre une lie,
    Et du mépris au cœur ! ― Hélas ! c’est comme nous !
    Lie aux lèvres ? ― poison, reste brûlant du verre ;
    Dard aux yeux ? ― rapporté mi-brisé des combats ;
    Et dans le cœur mépris ? ― Éternel...

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    D’autres hommes, parmi ceux-là qui sont mes frères,
    Saisiront dans leurs poings, la houe au dur tranchant,
    Et du sombre terroir des larves funéraires
    Défricheront la glèbe et rouvriront le champ.

    D’autres encore, avec des ongles redoutables,
    Fouilleront l’inconnu des antiques limons,
    Et, de leurs doigts sanglants, déchiffreront les tables
    Du...

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    Splendeur excessive, implacable,
    Ô beauté, que tu me fais mal !
    Ton essence incommunicable,
    Au lieu de m’assouvir, m’accable :
    On n’absorbe pas l’idéal.

    L’éternel féminin m’attire,
    Mais je ne sais comment l’aimer.
    Beauté, te voir n’est qu’un martyre,
    Te désirer n’est qu’un délire,
    Tu n’offres que pour affamer !

    Je porte...

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    Certe, il ne faut avoir qu’un amour en ce monde,
    Un amour, rien qu’un seul, tout fantasque soit-il ;
    Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil,
    Voilà qu’il m’est à l’âme une entaille profonde.

    Elle est hautaine et belle, et moi timide et laid :
    Je ne puis l’approcher qu’en des vapeurs de rêve.
    Malheureux ! Plus je vais, et plus elle s’élève...

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    La foi, l’antique foi dans mon âme a péri,
    Et maintenant je sonde à tâtons la Nature.
    Mais je regrette, hélas ! la sublime imposture
    Qui, dans l’ombre déserte, offre au cœur un abri ;

    Et j’y crois de nouveau quand vous m’avez souri :
    La nuit m’épouvantait, cette aube me rassure.
    Quand je ne vous vois pas, l’inconnu me torture ;
    Paraissez...

  • Chacun en sa beauté vante ce qui le touche ;
    L’amant voit des attraits où n’en voit point l’époux ;
    Mais que d’autres, narguant les sarcasmes jaloux,
    Vantent un poil follet au-dessus d’une bouche ;

    D’autres, sur des seins blancs un point comme une mouche ;
    D’autres, des cils bien noirs à des yeux bleus bien doux,
    Ou sur un cou de lait des cheveux d’un...

  • Venez çà, petites chéries
    De lis et de roses pétries
    Et de chair aussi, Dieu merci.
    Accourez, fluettes et rondes,
    Les rousses, les brunes, les blondes,
    Venez les châtaines aussi.

    Les Mélissindes, les Dianes,
    Émiliennes et Lianes,
    Les Otéros, pour qui je meurs,
    Les Juliettes, les...

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    Aube à peine flottante au fond des mornes cieux,
    Fille du songe obscur où s’attardaient les Dieux,
               Elle émergea de l’ombre antique,
    Lente, grave, pareille au premier rayon d’or
    Qui, lorsque dans la nuit le vallon gît encor,
               Hésite au faîte d’un portique.

    La Terre, ivre d’amour, d’allégresse et d’espoir,
    Quand, moins...