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    Au premier mille, hélas ! de mon pèlerinage,
    Temps où le cœur tout neuf voit tout à son image.
    Où l'âme de seize ans, vierge de passions,
    Demande à l'univers ses mille émotions,
    Le soir d'un jour de fête au golfe de Venise,
    Seul, errant sans objet dans ma barque indécise,
    Je suivais, mais de loin, sur la mer, un bateau
    Dont les concerts...

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    Le Fils du Ciel laboure une fois dans l’année.

    Pour remplir ce devoir, à la date ordonnée,
    Un jour, Kang-Hi, le sage empereur, se courbait
    Sur un soc attelé de bœufs blancs du Thibet.
    Sans voir la foule immense et de loin accourue,
    L’illustre Taï-Tsing conduisait sa charrue
    Et regardait, rêveur et se parlant tout bas,
    Le sol gras et fécond s’...

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    Peut-être alors ces Rois du lointain avenir,
    Dédaigneux des clameurs et des fouies trompées,
    Laissant la colère aux voix de bronze barrir
    Et siffler sur leurs fronts l’haleine des épées,
    Formes par l’ascétisme inique enveloppées,
    S’enfermeront dans le silence pour mourir.

    Mais peut-être l’un d’eux, vainement outragé,
    Qui sera le plus grand...

  • Ce que je te suis te donne du doute ?
    Ma vie est à toi, si tu la veux, toute.
    Et loin que je sois maître de tes voeux,
    C'est toi qui conduis mon rêve où tu veux

    Avec la beauté du ciel, en toi vibre
    Un rhythme fatal ; car mon âme libre
    Passe de la joie aux âpres soucis
    Selon que le veut l'arc de tes sourcils.

    Que j'aye ton coeur ou que tu me l...

  • Oui, cher Zénon, oui, ma lyre est bizarre,
    Je le sais trop ; d'un étrange compas
    Elle est taillée, et ne s'arrondit pas
    D'un beau contour sous le bras du Pindare.

    Le chant en sort à peine, et comme avare ;
    Nul groupe heureux n'y marierait ses pas :
    Mais écoutez, et dites-vous tout bas
    Quel son y gagne en sa douceur plus rare.

    Demandez-...

  • Mais je l'ai vu si peu ! disiez-vous l'autre jour.
    Et moi, vous ai-je vue en effet davantage ?
    En un moment mon coeur s'est donné sans partage.
    Ne pouvez-vous ainsi m'aimer à votre tour ?

    Pour monter d'un coup d'aile au sommet de la tour,
    Pour emplir de clartés l'horizon noir d'orage,
    Et pour nous enchanter de son puissant mirage,
    Quel temps faut-il...

  • pour Hélène de Tournon

    Si ceux à qui devez, comme vous dites,
    Vous connaissaient comme je vous connais,
    Quitte seriez des dettes que vous fîtes,
    Le temps passé, tant grandes que petites,
    En leur payant un dizain toutefois
    Tel que le vôtre qui vaut mieux mille fois
    Que l'argent dû par vous, en conscience ;
    Car estimer on peut l'argent au...

  • Un jour qu'avec sollicitude
    Des habitants d'une cité
    L'avaient longuement exhorté :
    A sortir de sa solitude :

    " Qu'irais-je donc faire à la ville ?
    Dit le songeur au teint vermeil,
    Regardant mourir le soleil,
    D'un air onctueux et tranquille.

    Ici, de l'hiver à l'automne,
    Dans la paix des yeux, du cerveau,
    J'éprouve toujours de...

  • En expirant sur l'arbre affreux du Golgotha,
    De quel regret ton âme, ô Christ, fut-elle pleine ?
    Etait-ce de laisser Marie et Madeleine
    Et les autres, au roc où la Croix se planta ?

    Quand le funèbre choeur sous Toi se lamenta,
    Et que les clous crispaient tes mains ; quand, par la plaine,
    Ton âme eut dispersé la fleur de son haleine,
    Devançant ton essor...