Charles Sainte-Beuve

  • Mon âme est ce lac même où le soleil qui penche,
    Par un beau soir d'automne, envoie un feu mourant :
    Le flot frissonne à peine, et pas une aile blanche,
    Pas une rame au loin n'y joue en l'effleurant.

    Tout dort, tout est tranquille, et le cristal limpide,
    En se...

  • Chacun en sa beauté vante ce qui le touche,
    L'amant voit des attraits où n'en voit point l'époux ;
    Mais que d'autres, narguant les sarcasmes jaloux,
    Vantent un poil follet au-dessus d'une bouche ;

    D'autres, sur des seins blancs un point comme une mouche ;
    D'...

  • Printemps, que me veux-tu ? pourquoi ce doux sourire,
    Ces fleurs dans tes cheveux et ces boutons naissants ?
    Pourquoi dans les bosquets cette voix qui soupire,
    Et du soleil d'avril ces rayons caressants ?

    Printemps si beau, ta vue attriste ma jeunesse ;
    De biens...

  • À mon ami Victor Hugo.

    Mon ami, vous voilà père d'un nouveau-né ;
    C'est un garçon encor : le Ciel vous l'a donné
    Beau, frais, souriant d'aise à cette vie amère ;
    A peine il a coûté quelque plainte à sa mère.
    Il est nuit ; je vous vois... à doux bruit, le sommeil...

  • Oui, cher Zénon, oui, ma lyre est bizarre,
    Je le sais trop ; d'un étrange compas
    Elle est taillée, et ne s'arrondit pas
    D'un beau contour sous le bras du Pindare.

    Le chant en sort à peine, et comme avare ;
    Nul groupe heureux n'y marierait ses pas :
    Mais...

  • Ô laissez-vous aimer !... ce n'est pas un retour,
    Ce n'est pas un aveu que mon ardeur réclame ;
    Ce n'est pas de verser mon âme dans votre âme,
    Ni de vous enivrer des langueurs de l'amour ;

    Ce n'est pas d'enlacer en mes bras le contour
    De ces bras, de ce sein ;...

  • Quand l'avenir pour moi n'a pas une espérance,
    Quand pour moi le passé n'a pas un souvenir,
    Où puisse, dans son vol qu'elle a peine à finir,
    Un instant se poser mon âme en défaillance ;

    Quand un jour pur jamais n'a lui sur mon enfance,
    Et qu'à vingt ans ont fui...

  • Dans ce cabriolet de place j'examine
    L'homme qui me conduit, qui n'est plus que machine
    Hideux, à barbe épaisse, à longs cheveux collés :
    Vice et vin et sommeil chargent ses yeux soulés.
    Comment l'homme peut-il ainsi tomber ? pensais-je,
    Et je me reculais à l'autre...

  • La voilà, pauvre mère, à Paris arrivée
    Avec ses deux enfants, sa fidèle couvée !
    Veuve, et chaste, et sévère, et toute au deuil pieux,
    Elle les a, seize ans, élevés sous ses yeux
    En province, en sa ville immense et solitaire,
    Déserte à voir, muette autant qu'un...

  • Octobre.

    Après la moisson faite et tous les blés rentrés,
    Quand depuis plus d'un mois les champs sont labourés,
    Qu'il gèlera demain, et qu'une fois encore
    L'Automne, du plus haut des coteaux qu'elle dore,
    Se retourne en fuyant, le front dans un brouillard,...