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    S’il est une heure fortunée
    Parmi nos heures d’ici-bas,
    Une heure de paix couronnée,
    Et de trêve à nos vains débats,

    C’est l’heure, entre toutes bénie,
    Où la strophe aux fraîches senteurs,
    Pour nous, au vent de l’harmonie,
    S’épanouit en vers chanteurs ;

    C’est l’heure où quelque âme inconnue,
    Sœur par l’accent et par le luth,...

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    Tu vivras toujours jeune, et grâce aux Piéride
    Gallus, jamais ton front ne connaîtra les rides ;
    Leurs mains, leurs belles mains sans trêve tresseront
    Le laurier dont la feuille ombragera ton front,
    Et, sous le jour divin qui fait mouvoir les ombres,
    Tes grands yeux tour à tour éblouissans ou sombres
    Refléteront ainsi qu’au miroir de tes vers
    ...

  • Lorsqu’on m’offre un vieux vin, noble sang de la vigne,
    Quel que soit le calice où coule la liqueur,
    — Grès ou cristal, — je bois ce bon vin, toujours digne
    De mon gosier de franc buveur.

    Mais lorsque m’est offert le nectar de l’Idée,
    Je ne le puis goûter qu’en un vase charmant :
    Buveur ivre du beau, je veux le diamant
    Pour qu’au gré de ma soif la...

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    QUAND la pairie était comme l’herbe fauchée
    Sous les pieds et la dent féroce du vainqueur.
    Poète, j’ai pleuré du profond de mon cœur
    Et sa splendeur éteinte et sa gloire couchée.

    Devant les morts sacrés dont elle était jonchée,
    J’ai dit mon désespoir, ma haine, ma rancœur
    Et j’ai mêlé ma voix au lamentable chœur
    Dont la pitié s’était vers sa...

  • Toi dont les yeux erraient, altérés de lumière,
    De la couleur divine au contour immortel
    Et de la chair vivante à la splendeur du ciel,
    Dors en paix dans la nuit qui scelle ta paupière.

    Voir, entendre, sentir ? Vent, fumée et poussière.
    ...

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    Si j’étais jeune fille, et si, dans ma saison,
    J’étais belle et poëte,
    Pour chanter, j’aimerais mieux un nid de pinson
    Qu’un trépied de prophète ;
    Je saurais peu quel vent pousse l’humanité
    Et quel trône vacille ;
    Mais je dirais son nom à chaque fleur, l’été,
    Si j’étais jeune fille.

    Je n’aurais jamais lu nos apôtres nouveaux ;
    ...

  • I

    Ainsi, toujours, vers l’azur noir
    Où tremble la mer des topazes,
    Fonctionneront dans ton soir
    Les Lys, ces clystères d’extases !

    À notre époque de sagous,
    Quand les Plantes sont travailleuses,
    Le Lys boira les bleus dégoûts
    Dans tes Proses religieuses !

    − Le lys de monsieur de Kerdrel,
    Le Sonnet de mil huit cent trente,
    Le...

  •                              Blasé dis-je! En avant,
    Déchirer la nuit gluante des racines,
    À travers maman, amour tout d’albumine,
    Vers le plus clair! vers l'alme et riche étamine
                                 D'un...

  • Souvent la vision du Poète me frappe :
    Ange à cuirasse fauve, il a pour volupté
    L’éclair du glaive, ou, blanc songeur, il a la chape,
    La mitre byzantine et le bâton sculpté.

    Dante, au laurier amer, dans un linceul se drape,
    Un linceul fait de nuit et de sérénité :
    Anacréon, tout nu, rit et baise une grappe
    Sans songer que la vigne a des feuilles, l’...

  • Pour vous, au jour de l’an, je rêvais quelque étrenne,
    Moi, le rêveur obscur, admis à votre cour ;
    Un respect prosterné mêlé d’un humble amour,
    C’est un mince joyau dans l’écrin d’une reine.

    Que peut le ver rampant pour l’étoile sereine,
    Le caillou pour la perle, et l’ombre pour le jour ?
    L’étoile ignore l’homme, et, de son bleu séjour,
    Le soleil ne...