• Monstre des temps homériques,
    Dans les nôtres déclassé ;
    Polyphème des barriques,
    Dont l’œil au ventre placé

    Provoque avec assurance
    — Avortons d’un siècle obtus ―
    Nos tonneaux qui sont en France,
    Étroits comme nos vertus !

    Foudre géant, qu’à ta forme
    On prendrait pour un vaisseau,
    Du bon vin cercueil énorme
    Dont je possède...

  •  
    Inque situm furtim musa trahebat opus!

    Ovidius.

    I

    Au temps que j’étais pur et tout léger d’années.
    Quand, pensif écolier, je rêvais dans les bois,
    Toutes les nuits, alors, de roses couronnées,
    S’inclinaient sur ma couche, avec de douces voix.

    Alors les vents du ciel berçaient de leur haleine
    Mon sommeil étoile de blanches...

  • Je l’ai gardé ce bon baiser de muse !
    Comme une perle, il rayonne à mon front ;
    Et désormais, qu’on me flatte ou m’accuse,
    Sans l’effacer les soucis passeront.

    Je l’ai gardé ce baiser de poëte !
    Comme un bon vin qui réchauffe au départ,
    Quand sur le seuil, au chant de l’alouette,
    Le cheval brun hennit dans le brouillard !

    Je l’ai gardé dans...

  •  
    Lacte ferino !

    À l’ombre d’un figuier superbe,
    Prés d’un fleuve aux bords inconnus,
    Deux enfants sont couchés dans l’herbe,
    Frais, souriants, et demi-nus ;

    Le grand ciel bleu les environne,
    Un dernier rayon du soleil
    Semble poser une couronne
    Sur leurs fronts joints par le sommeil ;

    Et la brise qui vient des ondes,
    ...

  • Monsieur l’enfant qu’on attendait,
    Soyez le bienvenu sur terre !
    Vous dansez comme un farfadet,
    En narguant la sagesse austère ;

    Car Dieu vous fit frais et vermeil,
    Et votre mère en est ravie,
    Et vous avez, sous le soleil,
    L’éblouissement de la vie.

    Déjà, pour vos repas de choix,
    Tout travaille, ô tyran superbe :
    L’abeille qui...

  • Tout est mort ! ― vers d’autres climats
    Les oiseaux vont chercher fortune,
    Et la terre, sous les frimas,
    Est blanche, au loin, comme la lune.

    Le vent, pareil à cent taureaux,
    Mugit au seuil de ma demeure ;
    Le givre a brodé mes carreaux ;
    À mon foyer, la bûche pleure :

    — « Je me souviens !… je me souviens !…
    Au pied des monts… dans le...

  •  

    Quand, pareilles aux blés mûrs
    Les étoiles toutes blondes
    Ont couvert des cieux obscurs
    Les solitudes profondes,

    La nuit se met en chemin.
    Moissonneuse à la peau brune
    Qui, pour faucille, à sa main
    Tient le croissant de la lune ;

    Par le vaste firmament,
    Elle fauche, à perdre haleine,
    Les épis de diamant
    Qui se...

  •  
    J’ai lu dans quelque auteur qu’un prince de Lydie,
    Candaule, cet époux de sa femme orgueilleux,
    Comme elle était, un soir, par le somme engourdie,
    Fit demander Gygès, son favori joyeux.

    Levant le dernier voile, avec sa main hardie,
    Il découvrit un corps fait pour le lit des dieux,
    Et des genoux d’ivoire à la gorge arrondie
    L’étranger promena...

  •  
    À Charles d’Osmoy.

    À l’heure où le sommeil commence,
    J’ai fait un rêve, et j’ai cru voir
    S’allonger une plaine immense
    Que terminait un grand trou noir.

    Vers le gouffre qui les appelle,
    Chassés par un destin de fer,
    Hommes et femmes, pêle-mêle,
    Roulaient, comme un fleuve à la mer.

    Et derrière le troupeau sombre,
    Mes...

  •  

    Allez au pays de Chine,
    Et sur ma table apportez
    Le papier de paille fine
    Plein de reflets argentés !

    Pour encre et pour écritoire,
    Allez prendre à l’Alhambra
    Le sang d’une mûre noire
    Et l’écorce d’un cédrat !

    Au fond des vertes savanes
    Où l’oiseau pousse son cri,
    Ramassez dans les lianes
    La plume d’un colibri !

    ...