Lacte ferino !
À l’ombre d’un figuier superbe,
Prés d’un fleuve aux bords inconnus,
Deux enfants sont couchés dans l’herbe,
Frais, souriants, et demi-nus ;
Le grand ciel bleu les environne,
Un dernier rayon du soleil
Semble poser une couronne
Sur leurs fronts joints par le sommeil ;
Et la brise qui vient des ondes,
Parfumée aux fleurs des roseaux,
Baise, en passant, leurs têtes blondes
Que touche l’aile des oiseaux !
Ils se réveillent... ô mystère !...
Du fond des antres sans chemins
Une louve, rasant la terre,
Vient lécher leurs petites mains.
Et tous deux, sous la bête énorme,
Les doigts crispés au poil tordu,
Tètent sans peur le pis difforme
Que les louveteaux ont mordu.
Courbe, ô figuier, ta large voûte
Sur ce grand berceau des déserts ;
Leur cri faible qu’un monstre écoute
Promet César à l’univers !
Fleuve obscur dont l’eau solitaire
Doit s’enorgueillir tant de fois,
Tibre, où boira toute la terre,
Viens jouer aux pieds de tes rois !
Et toi, par la forêt profonde,
Sous la lune au fauve reflet,
Hurle, ô louve, on noierait un monde
Dans chaque goutte de ton lait !
Ton museau pointu qui grommelle
Domine les peuples tremblants,
Rome tressaille à ta mamelle,
L’avenir vagit sous tes flancs !