• Au bois de Boulogne, l’Hiver,
    La terre a son manteau de neige.
    Mille Iris, qui tendent leur piége,
    Y passent comme un vif éclair.

    Toutes, sous le ciel gris et clair,
    Nous chantent le même solfége ;
    Au bois de Boulogne, l’Hiver,
    La terre a son manteau de neige.

    Toutes les blancheurs de la chair
    Y passent, radieux cortége ;
    Les...

  • J’aime à vous évoquer dans une chaste pose,
    Debout et les doigts joints et les yeux souriants,
    Comme au temps où, rêveur injustement morose,
    Je profitais si mal de mes beaux jours fuyants.

    Ah ! je vous ai du moins présente en ma mémoire !
    Tout, depuis le nœud bleu sous le petit col blanc
    Ou la simple croix d’or, avec la robe noire
    Qui garde dans ses...

  • Quand la mort (notre heure est écrite)
    Clora ma lèvre et son secret,
    Ta chère main, d’un drap discret,
    Me couvrira, suivant le rite.

    Et je te vois, toute interdite,
    Contempler comment apparaît,
    Là-dessous, ce qu’on adorait.
    N’en fais rien, cette vue irrite !

    Tu songerais qu’aux jours passés,
    Dans l’ardeur des baisers pressés
    Je t’...

  • Si je voulais chanter ma voix se briserait
    Comme celle des fous dans le rire et les larmes,
    Mon bras, tout las qu’il est, se crispe sur ses armes,
    Ma lèvre resserrée a gardé son secret,
    Si je voulais chanter ma voix se briserait.

    Je sens encor le froid du fer dans ma blessure,
    La pourpre de mon sang a teint les buissons verts.
    Que dirais-je à l’écho...

  • Près de la Setch guerrière aux huttes sans clôture
    Un Zaporogue dort sur la route, en travers,
    Pareil aux demi-dieux dont en leurs anciens vers
    Les Cobzars ont chanté l’héroïque stature.

    L’or de son caftan turc et sa riche ceinture
    De boue et de goudron par mépris sont couverts ;
    Vingt fois de son sang libre il a teint les prés verts ;
    Il prend la vie...

  • Vêtus de bure blanche et de noirs scapulaires,
    Cent moines sont assis aux bancs Capitulaires.
    Ayant psalmodié l’Angelus Domini
    Et clos les lourds missels sous le vélin jauni,
    Sans plus mouvoir la lèvre et cligner la paupière
    Que les Saints étirés dans les retraits de pierre,
    Impassibles comme eux, ils attendent, les bras
    En croix. La cire flambe...

  • « Fils, avec le Kourèn ce soir tu partiras :
    Les Tatars ont brûlé sur le Don un village.
    Mais avant, fils, je veux, robuste malgré l’âge,
    Par moi-même éprouver la force de ton bras. »

    La houppe de cheveux flotte sur leur cuir ras,
    Ils déposent leurs peaux de buffle au noir pelage,
    Arrêtent près du camp leur pesant attelage,
    Et, dans la steppe immense...

  • « Tu veux partir, ma fille ? et suivre malgré moi
    Cet Étranger rusé, sans pudeur et sans foi ?
    Pars, fille impie ; et vous, ô terribles Déesses,
    Nocturnes, aux cheveux de serpents, vengeresses !
    Suivez-la sur la nef de l’Époux triomphant,
    Furieuses et plus rapides que le vent ! »

    O cité de Kadmos ! Thébè, chère patrie !
    Je ne repose pas sous une herbe...

  • Il brille, le sauvage Été,
    La poitrine pleine de roses.
    Il brûle tout, hommes et choses,
    Dans sa placide cruauté.

    Il met le désir effronté
    Sur les jeunes lèvres décloses ;
    Il brille, le sauvage Été,
    La poitrine pleine de roses.

    Roi superbe, il plane irrité
    Dans des splendeurs d’apothéoses,
    Sur les horizons grandioses ;
    Fauve...

  • Avril, à l’incarnat frêle et poudré de givre,
    Nous tient encor troublés de son charme incertain ;
    Lorsque Mai, couronné de roses, un matin,
    Sort des brumes, tenant la coupe où tout s’enivre.

    La belle au bois dormant qu’il réveille et délivre,
    L’Idylle, vers les monts bleuissant au lointain,
    Court avec lui parmi la rosée et le thym,
    Mêlant le...