• Plus grave qu’un Sachem, Théo, dans sa demeure,
    Fume avec ses amis le calumet de paix.
    Un nuage azuré, suspendu comme un dais.
    Se balance léger sur les fronts qu’il effleure.

    Bons propos & devis font la chère meilleure.
    Le hardi paradoxe, à table, aide au palais ;
    Sur sa nappe accoudé, ce maître Rabelais
    Égrène, en discourant, le chapelet de l’...

  • ISEULT.

    Ô timide héros oublieux de mon rang,
    Vous n’avez pas daigné saluer votre dame !
    Vos yeux bleus sont restés attachés sur la rame.
    Osez voir sur mon front la fureur d’un beau sang.

    TRISTAN.

    J’observe le pilote assoupi sur son banc,
    Afin...

  • Souvent, lorsqu’au retour des mauvaises saisons
    La mort a moissonné dans certaines maisons,
    Les premiers jours passés, comme le veut l’usage,
    J’y cours, me composant en chemin un visage,
    Et roulant une ou deux phrases, dans mon cerveau,
    Qui de la circonstance atteignent le niveau.
    J’entre… Un charmant sourire accueille ma visite ;
    Je regarde à deux...

  • Un ange chez moi parfois vient le soir
    Dans un domino d’Hilcampt ou Palmyre,
    Robe en moire antique avec cachemire,
    Voilette & chapeau faisant masque noir.

    Ses ailes ainsi, nul ne peut les voir,
    Ni ses yeux d’azur où le ciel se mire ;
    Son joli menton que l’artiste admire,
    Un bouquet le cache ou bien le mouchoir.

    Mon petit lit rouge à...

  • Avec sa bouche aux coins rieurs
    Et ses yeux verts qu’un regret baigne
    De mélancoliques lueurs,
    Elle a pris mon âme, elle y règne,
    Et j’aime sa blonde beauté,
    Faite de grâce & de fierté.

    Elle est fantasque & violente,
    Mais elle met dans un coup d’œil
    Une caresse amollissante
    Qui fond lentement mon orgueil,
    Et sa voix d’enfant...

  • Point de repos pour l’âme humaine
    Sur ce monceau de terre où nous sommes jetés :
    Les chagrins & les maux d’une incessante haleine
    Y soufflent leur vapeur malsaine,
    ...

  • Paris s’endort. — Les nuées
    Par un vent frais remuées
    S’éparpillent dans les airs ;
    Sous leur brume pâle & fine
    La lune en manteau d’hermine
    Plane sur les quais déserts.

    Là-bas, comme une âme en peine,
    Une créature humaine,
    Bras nus, les cheveux au vent,
    Passe morne & désolée…
    Là-bas, dans la contre-allée,
    Près d’un...

  • L’Océan de l’Immensité
    Agite & soulève ses vagues.
    Le Soleil brille, & sa clarté
    Y fait luire des formes vagues.

    Et sans cesse, à l’appel du vent,
    Des flots montent à la surface ;
    Puis soudain ce qui fut vivant
    S’éteint, s’évanouit, s’efface.

  • Si la mort n’est pas l’ouverture
    Du néant vaste où rien ne luit ;
    S’il faut attendre dans sa nuit
    On ne sait quelle aube future ;

    Si l’espoir du repos nous ment ;
    Si le tourment de la pensée
    A la chair inerte & glacée
    Survit impérissablement ;

    Si la loi de Dieu tyrannique
    Sur l’angoisse, triste oreiller !
    Force les âmes de...

  • Le chemin où je marche est un chemin étroit :
    Les foules ne sont pas ce que l’on y redoute,
    Mais les cèdres puissants lui forment une voûte,
    Un soleil radieux y luit en maint endroit.

    Étant né très-naïf, avec le cœur très-droit,
    Je n’ai jamais trouvé sous mes pas d’autre route ;
    Car, moi, je ne sais rien des tristesses du doute,
    Et l’homme que je suis...