• Ce n’est pas seulement de la flamme & de l’air
    Qui montent du foyer en légères fumées,
    Lorsqu’au rayonnement des bûches allumées
    On rêve devant l’âtre où pétille un feu clair.

    Ce n’est pas sous le tas des braises consumées
    Qu’à la fin les chenets s’en vont ensevelis ;
    Si de la cendre grise on remuait les plis,
    Que de choses souvent en seraient...

  • C’est une heure d’angoisse indicible, que l’heure
    Où, las de nos désirs sans cesse démentis,
    Nous voulons, maudissant la vie extérieure,
    Rentrer dans l’idéal d’où nous étions sortis.

    Car, désaccoutumés par notre ingratitude
    Des charmes de l’idée & de l’amour des dieux,
    Nous ne retrouvons plus la sévère habitude
    Des graves sentiments & des...

  • Battu des vents, fouetté des eaux, la face ouverte
    Par la foudre, voué par l’Église à l’Enfer,
    Le Men-Hir des Kimris, sur la lande déserte,
    Comme un géant vaincu, chancelle aux nuits d’hiver.

    Maudit aussi, tordu, mais la tête encor verte,
    Le chêne des Bretons, nouant ses bras de fer,
    De son baiser vaillant soutient l’idole inerte,
    Et se met en...

  • Je veux chanter ma ballade à mon tour !
    O Poésie, ô ma mère mourante,
    Comme tes fils t’aimaient d’un grand amour,
    Dans ce Paris, en Tan mil huit cent trente !
    Pour eux les docks, l’autrichien, la rente.
    Les mots de Bourse étaient du pur hébreu ;
    Enfant divin, plus beau que Richelieu,
    Musset chantait ; Hugo tenait la lyre.
    Jeune, superbe, écouté...

  • Les vieux hôtels qu’avaient respectés les années
    Sous les coups des maçons tombent de toutes parts.
    Ils gisent sur le sol, & leurs débris épars
    Ont l’aspect douloureux des choses ruinées.

    Comme leurs habitants ils ont leurs destinées ;
    Leurs murs, que décoraient les chefs-d’œuvre des arts,
    Près de l’affiche énorme étalent aux regards
    Le sillon...

  • Quand j’aperçus tes yeux pour la première fois,
    Non, je n’aperçus pas une chose charnelle ;
    Et de toi j’attendis cette paix éternelle
    Qui semble un but sacré que dans l’azur je vois.

    De la beauté d’un jour mon âme fuit les lois,
    Vers le libre zénith montant à grands coups d’aile,
    Et, pour mieux embrasser la forme universelle,
    Suit le rhythme infini...

  • Toi qui vis au dedans d’une chair vulnérable,
    En butte à l’ennemi que tu veux protéger,
    Ô pauvre âme, pourquoi rechercher le danger
    Et te rendre toi-même abjecte & misérable ?

    Ayant avec la vie un bail si peu durable,
    Pourquoi parer un corps qui n’est qu’un étranger ?
    De riches ornements à quoi bon surcharger
    Ta fragile demeure assise sur le sable...

  • Aux hommes de mon temps je rêve un cœur hanté
    Par quelque grand projet d’envergure superbe,
    Tel que les bons géants qui sommeillent sous l’herbe
    En concevaient aux temps féconds de l’équité.

    Et, prenant mon désir pour la réalité,
    Comme à Lazare mort un jour parla le Verbe,
    Je leur dis : Levez-vous, car voici que la gerbe
    Du froment de justice est mûre...

  • Ses cheveux sont rougis d’un flot de sang vermeil ;
    De ses lèvres en fleur s’envole un dernier râle ;
    Ainsi qu’un lis fauché, le jeune héros pâle
    Dort, sur des étendards, de l’éternel sommeil.

    Le chapelain, de l’âme évoquant le réveil,
    Devant le trépassé chante de sa voix mâle ;
    Les rudes lansquenets, tout bronzés par le hâle,
    Entourent, à genoux, le...

  • Je porte en moi l’âme du Monde,
    L’âme du magnifique & vivant Univers,
    Ame mobile, âme féconde
    Où des Printemps hardis chassent les durs Hivers !

    ...