Henri de Régnier

  • Plains-moi, car je n’eus rien à donner à l’Amour,
    Ni fleurs de mon Été, ni fruits de mon Automne,
    Et la terre où naquit mon destin sans couronne
    N’a pas porté pour moi la rose ou l’épi lourd.

    Les Fileuses qui font nos heures et nos jours
    N’ont pas tissé non plus,...

  •  
    Sur l’eau verte, bleue ou grise,
    Des canaux et du canal,
    Nous avons couru Venise
    De Saint-Marc à l’Arsenal.

    Au vent vif de la lagune
    Qui l’oriente à son gré
    J’ai vu tourner ta Fortune,
    O Dogana di Mare !

    Souffle de l’Adriatique,
    ...

  •  
    « Toi qui dans l’air léger lances d’un souffle pur
    La chanson de ta flûte en gammes vers l’azur
    Et qui, longtemps assis devant la mer sacrée,
    L’admires, tour à tour, rose à peine ou pourprée,
    Quand le soleil se lève ou tombe à l’horizon ;
    O toi, qui, pour...

  • La Mer écume et gronde autour de l'âpre îlot
    Que tourmente le vent et harcèle le flot.
    Je n'entends pas la mer, mais je sais qu'elle est là;
    C'est elle dont la force en sa rumeur roula
    Sur cette aride plage et jusques à tes pieds
    Les durs galets...

  •  
    Le cuivre du trophée et le bronze du buste
    Juxtaposent l’or jaune et la patine verte ;
    Le carquois se suspend près de la corne ouverte,
    Cérès en fleurs sourit à Diane robuste.

    Le parquet de bois clair mire la fresque inverse
    Où trône le Héros que la...

  • Le jardin rit au fleuve et le fleuve soupire
    Du regret éternel de sa rive qu'il fuit,
    La glycine retombe et se penche vers lui,
    Le lilas s'y reflète et le jasmin s'y mire.

    Le liseron s'élance et le lierre s'étire;
    Un bouton qui germait est corolle aujourd'hui;...

  •  
    La corbeille, la pannetière et le ruban
    Nouant la double flûte à la houlette droite,
    Le médaillon ovale où la moulure étroite
    Encadre un profil gris dans le panneau plus blanc ;

    La pendule hâtive et l’horloge au pas lent
    Où l’heure, tour à tour, se...

  •  
    Avec des mains de haine et de colère, Amour !
    J’ai rompu rudement à mon genou farouche
    Le beau cep qui porta la grappe dont toujours
    Le goût voluptueux se ravive à ma bouche ;

    Et j’ai fait, tout ce jour, des treilles de ma vie
    Brûler le sarment sec et la...

  • Laisse la porte ouverte à tous, qu'un autre tente
    De rallumer à l'âtre où le feu s'est éteint
    La broussaille épineuse et la pomme de pin;
    Leur cendre fut jadis une flamme vivante.

    Tu as passé le seuil que fuit ta vie errante;
    Ne te retourne pas...

  •  
    C’était au temps
    Où les grands Dieux de marbre et d’or
    Ne vivaient plus qu’en leurs statues ;
    On les voyait encor,
    Debout et nues,
    Au seuil des temples clairs
    A tuiles d’or,
    Avec la mer
    Derrière eux, éclatante, innombrable et sereine,...