Étienne de La Boétie

  • Ores je te veux faire un solennel serment,
    Non serment qui m'oblige à t'aimer d'avantage,
    Car meshuy je ne puis ; mais un vray tesmoignage
    A ceulx qui me liront, que j'aime loyaument.

    C'est pour vray, je vivray, je mourray en t'aimant.
    Je jure le hault ciel, du...

  • Ô l'ai je dict ? helas ! l'ai je songé ?
    Ou si, pour vrai, j'ai dict blaspheme telle ?
    Ça, faulce langue, il faut que l'honneur d'elle,
    De moi, par moi, desus moy, soit vangé.

    Mon coeur chez toi, ô Madame, est logé :
    Là donne lui quelque geine nouvelle,
    ...

  • J'ay un Livre Thuscan, dont la tranche est garnie
    Richement d'or battu de l'une et l'autre part ;
    Le dessus reluit d'or ; et au dedans est l'art
    Du comte Balthasar, de la Contisanie.

    Où que je sois, ce livre est en ma compagnie.
    Aussi c'est un present de celle...

  • Ce sont tes yeux tranchans qui me font le courage.
    Je veoy saulter dedans la gaïe liberté,
    Et mon petit archer, qui mene à son costé
    La belle gaillardise et plaisir le volage ;

    Mais apres, la rigueur de ton triste langage
    Me monstre dans ton coeur la fiere...

  • J'ay tant vescu, chetif, en ma langueur,
    Qu'or j'ay veu rompre, et suis encor en vie.
    Mon esperance avant mes yeulx ravie,
    Contre l'escueil de sa fiere rigueur.

    Que m'a servy de tant d'ans la longueur ?
    Elle n'est pas de ma peine assouvie :
    Elle s'en rit,...

  • Puis qu'ainsi sont mes dures destinees,
    J'en saouleray, si je puis, mon soucy,
    Si j'ay du mal, elle le veut aussi :
    J'accompliray mes peines ordonnees.

    Nymphes des bois, qui avez, estonnees,
    De mes douleurs, je croy, quelque mercy,
    Qu'en pensez-vous ? Puis...

  • J'allois seul remaschant mes angoisses passes :
    Voici (Dieux destournez ce triste mal-encontre !)
    Sur chemin d'un grand loup l'effroyable rencontre,
    Qui, vainqueur des brebis de leur chien delaissees,

    Tirassoit d'un mouton les cuisses despecees,
    Le grand deuil...

  • Ce dict maint un de moy : " De quoy se plaint il tant,
    Perdant ses ans meilleurs, en chose si legiere ?
    Qu'a il tant à crier, si encore il espere ?
    Et, s'il n'espere rien, pour quoy n'est il content ? "

    Quand j'estois libre et sain, j'en disois bien autant ;
    ...

  • Ô vous, mauditz sonnetz, vous qui prinstes l'audace
    De toucher à Madame ! ô malings et pervers,
    Des Muses le reproche, et honte de mes vers !
    Si je vous feis jamais, s'il fault que je me face

    Ce tort de confesser vous tenir de ma race,
    Lors, pour vous, les...

  • Or, dis je bien, mon esperance est morte.
    Or est ce faict de mon ayse et mon bien.
    Mon mal est clair : maintenant je veoy bien,
    J'ay espousé la douleur que je porte.

    Tout me court sus, rien ne me reconforte,
    Tout m'abandonne, et d'elle je n'ay rien,
    Sinon...