Émile Verhaeren

  • Par les pays des soirs, au nord de ma tristesse,
    Mous d'automne, le vent se pleure en de la pluie
    Et m'angoisse soudain d'une nuée enfuie,
    Avec un geste au loin d'âpre scélératesse.

    Est-ce la mort qu'annoncerait la prophétesse,
    Au fond de ce grand ciel d'octobre...

  • Hélas ! les temps sont loin des phlox incarnadins
    Et des roses d'orgeuil illuminant ses portes,
    Mais, si fané soit-il et si flétri - qu'importe ! -
    Je l'aime encor de tout mon coeur, notre jardin.

    Sa détresse parfois m'est plus chère et plus douce
    Que ne m'était...

  • Ardeur des sens, ardeur des coeurs, ardeur des âmes,
    Vains mots créés par ceux qui diminuent l'amour ;
    Soleil, tu ne distingues pas d'entre tes flammes
    Celles du soir, de l'aube ou du midi des jours.

    Tu marches aveuglé par ta propre lumière,
    Dans le torride azur...

  • Sous ce funèbre ciel de pierre,
    Voûté d'ébène et de métaux,
    Voici se taire les marteaux
    Et s'illustrer la nuit plénière,
    Voici se taire les marteaux
    Qui l'ont bâtie, avec splendeur,
    Dans le cristal et la lumière.

    Tel qu'un morceau de gel sculpté,...

  • Roses de juin, vous les plus belles,
    Avec vos coeurs de soleil transpercés ;
    Roses violentes et tranquilles, et telles
    Qu'un vol léger d'oiseaux sur les branches posés ;
    Roses de Juin et de Juillet, droites et neuves,
    Bouches, baisers qui tout à coup s'émeuvent
    ...

  • Égarons-nous, mon âme, en ces cryptes funestes,
    Où la douleur, par des crimes, se définit,
    Où chaque dalle, au long du mur, atteste
    Qu'un meurtre noir, à toute éternité,
    Est broyé là, sous du granit.

    Des pleurs y tombent sur les morts ;
    Des pleurs sur des...

  • Dites, quel est le pas
    Des mille pas qui vont et passent
    Sur les grand'routes de l'espace,
    Dites, quel est le pas
    Qui doucement, un soir, devant ma porte basse
    S'arrêtera ?

    Elle est humble, ma porte,
    Et pauvre, ma maison.
    Mais ces choses n'...

  • Moines, vos chants du soir roulent parmi leurs râles
    Le flux et le reflux des douleurs vespérales.

    Lorsque dans son lit froid, derrière sa cloison,
    Le malade redit sa dernière oraison ;

    Lorsque la folie arde au coeur les lunatiques,
    Et que la toux mord à la...

  • Et par le traître écho des horizons plongeurs,
    Et par l'antique appel des sybilles lointaines,
    Et par les au-delà mystérieux des plaines,
    Un soir, se sont sentis hélés, les voyageurs.

    Partis !
    Les quais étaient électrisés de lunes,
    Et le navire, avec...

  • Dans la clarté plénière et ses rayons soudains
    Brûlant, jusques au coeur, les ramures profondes,
    Femmes dont les corps nus brillent en ces jardins,
    Vous êtes des fragments magnifiques du monde.

    Au long des buis ombreux et des hauts escaliers,
    Quand vous passez...