Émile Verhaeren

  • Le soir, plein des dégoûts du journalier mirage,
    Avec des dents, brutal, de folie et de feu,
    Je mords en moi mon propre coeur et je l'outrage
    Et ricane, s'il tord son martyre vers Dieu.

    Là-bas, un ciel brûlé d'apothéoses vertes
    Domine un coin de mer - et des...

  • Avec le même amour que tu me fus jadis
    Un jardin de splendeur dont les mouvants taillis
    Ombraient les longs gazons et les roses dociles,
    Tu m'es en ces temps noirs un calme et sûr asile.

    Tout s'y concentre, et ta ferveur et ta clarté
    Et tes gestes groupant les...

  • Dans la maison où notre amour a voulu naître,
    Avec les meubles chers peuplant l'ombre et les coins,
    Où nous vivons à deux, ayant pour seuls témoins
    Les roses qui nous regardent par les fenêtres.

    Il est des jours choisis, d'un si doux réconfort,
    Et des heures d'...

  • La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,
    Béquilles et bâtons qui se cognent, là-bas;
    Montant et dévalant les escaliers des heures,
    Les horloges, avec leurs pas ;

    Émaux naifs derrière un verre, emblèmes
    Et fleurs d'antan, chiffres maigres et vieux;
    ...

  • Dreling, dreling,
    C'est la fête de tous les Saints.

    On en connaît qui sont venus,
    - dites, de quels pays d'or et d'ivoire ! -
    Depuis des temps que nul n'a retenus,
    Dans ma contrée, en sa mémoire.
    On en connaît qui sont partis de Trébizonde,
    Dieu sait...

  • L'âme et le coeur si las des jours, si las des voix,
    Si las de rien, si las de tout, l'âme salie ;
    Quand je suis seul, le soir, soudainement, parfois,
    Je sens pleurer sur moi l'oeil blanc de la folie.

    Celui, si triste hélas ! qui s'en alla, là-bas,
    - Pâle oeil...

  • I

    On dirait que le site entier sous un lissoir
    Se lustre et dans les lacs voisins se réverbère ;
    C'est l'heure où la clarté du jour d'ombres s'obère,
    Où le soleil descend les escaliers du soir.

    Une étoile d'argent lointainement tremblante,
    Lumière d'...

  • Ce soir, l'homme de la fatigue
    A regarder s'illimiter la mer,
    Sous le règne du vent despote et des éclairs,
    Les bras tombants, là-bas, s'est assis sur ma digue.

    Le vêtement des plus beaux rêves,
    L'orgueil des humaines sciences brèves,
    L'ardeur, sans plus...

  • On trouve encor de grands moines que l'on croirait
    Sortis de la nocturne horreur d'une forêt.

    Ils vivent ignorés en de vieux monastères,
    Au fond du cloître, ainsi que des marbres austères.

    Et l'épouvantement des grands bois résineux
    Roule avec sa tempête...

  • Les toits semblent perdus
    Et les clochers et les pignons fondus,
    Dans ces matins fuligineux et rouges,
    Où, feu à feu, des signaux bougent.

    Une courbe de viaduc énorme
    Longe les quais mornes et uniformes ;
    Un train s'ébranle immense et las.

    Là-bas,...