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    Qu’un stoïque aux yeux secs vole affronter la mort.
    Moi je pleure et j’espère ; au noir souffle du nord
    Je plie et relève ma tête !…
    (André Chenier)

    Aujourd’hui je jette à la foule
    Mes vers, mes hymnes de douleurs,
    Comme un pâtre à l’eau qui s’écoule...

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    Quand, assise le soir au bord de ta fenêtre,
    Devant un coin du ciel qui brille entre les toits,
    L’aiguille matinale a fatigué tes doigts,
    Et que ton front comprime une âme qui veut naître.
    Ta main laisse échapper le lin brodé de fleurs
    Qui doit parer le front d’heureuses fiancées,
    Et, de peur de tacher ses teintes nuancées,
    Tes beaux yeux...

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    « De qui me parles-tu, céleste rêverie,
    Mystérieux concert de mon âme attendrie ?
    D’un temps sans origine es-tu l’écho secret,
    Un espoir que j’ignore, ou mon dernier regret ?
    Es-tu l’hymne nouveau de la harpe infinie
    Dont le cœur des élus comprend seul l’harmonie ?
    Ou bien l’appel trompeur de quelque esprit subtil ?

    » Peut-être est-ce mon âme...

  • Un poète disait que, lorsqu’il était jeune,
    il fleurissait des vers comme un rosier des roses.
    Lorsque je pense à elle, il me semble que jase
    une fontaine intarissable dans mon cœur.
    Comme sur le lys Dieu pose un parfum d’église,
    comme il met du corail aux joues de la cerise,
    je veux poser sur elle, avec dévotion,
    la couleur d’un parfum qui n’aura pas...

  • Un poète est un monde enfermé dans un homme.
    Plaute en son crâne obscur sentait fourmiller Rome ;
    Mélésigène, aveugle et voyant souverain
    Dont la nuit obstinée attristait l’œil serein,
    ...

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    Il existe un poète aux odes insondées,
    Plus vaste que les cieux, plus grand que l’infini ;
    Son cœur est l’océan où naissent les idées,
    L’univers à genoux chante son nom béni.

    Son regard rajeunit les croyances ridées ;
    Il sculpte au cœur humain l’espoir dans le granit,
    Il calme de la mer les vagues débordées ;
    Aigle impossible, il a l’immensité...

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    Je me croyais poète et j’ai pu me méprendre,
    D’autres ont fait la lyre et je subis leur loi ;
    Mais si mon âme est juste, impétueuse et tendre,
                  Qui le sait mieux que moi ?

    Oui, je suis mal servi par des cordes nouvelles
    Qui ne vibrent jamais au rhythme de mon cœur ;
    Mon rêve de sa lutte avec les mots rebelles
                  Ne sort...

  • C'est, par les airs, un entassement sombre
    De nuages. Horrible mont !
    L'étang joncheux, miroir d'un val profond,
    S'est éteint dans un reflet d'ombre.

    Comme vite au jour pâle vont,
    Là-haut, ces vols d'ailes noires sans nombre !
    Un éclair heurte une nuée, et sombre !
    Et tout le ciel en eau se fond...

    Mais le poète a doux martel en tête.
    ...

  • La coupe de mes jours s'est brisée encor pleine ;
    Ma vie hors de mon sein s'enfuit à chaque haleine ;
    Ni baisers ni soupirs ne peuvent l'arrêter ;
    Et l'aile de la mort, sur l'airain qui me pleure,
    En sons entrecoupés frappe ma dernière heure ;
    Faut-il gémir ? faut-il chanter ?...

    Chantons, puisque mes doigts sont encor sur la lyre ;
    Chantons, puisque...

  • Le poète ayant chanté,
    Déchanté,
    Vit sa Muse, presque bue,
    Rouler en bas de sa nue
    De carton, sur des lambeaux
    De papiers et d'oripeaux.
    Il alla coller sa mine
    Aux carreaux de sa voisine,
    Pour lui peindre ses regrets
    D'avoir fait - Oh : pas exprès ! -
    Son honteux monstre de livre !...
    - " Mais : vous étiez donc bien ivre ?
    - Ivre de...